Je vais bien, ne t'en fais pas

Mercredi 13 septembre 2006

Avec cette adaptation ténue et tenue du premier roman d'Olivier Adam, Philippe Lioret réalise un étonnant mélodrame à suspense, où le mélo se fait pudique et le suspense discret.Christophe Chabert

Quand Elise-Lili rentre de Barcelone, ses parents lui annoncent, avec nonchalance, à la descente du bus, que son frère jumeau Loïc est parti. Pour de bon. Le motif ? Une engueulade de plus, ou plutôt une engueulade de trop, avec son père, homme sans qualité qui a élevé tant bien que mal sa famille dans un modeste pavillon de banlieue. D'abord philosophe face à l'événement, Lili est progressivement rongée par une inquiétude qui se transforme en violente dépression. Philippe Lioret, metteur en scène aérien de quelques jolies comédies, frondeuses ou douces-amères (de Tombés du ciel à Mademoiselle), aurait-il choisi de basculer du côté obscur du psychodrame avec cette adaptation du premier bouquin du playboy littéraire Olivier Adam ? On en a peur un temps, juste à voir Kad Merad serrer les dents et tirer une tronche d'enterrement pour montrer qu'il n'est pas qu'un acteur comique, mais aussi un comédien crédible dans une pub pour les dragées Fuca. Heureusement, cette tentation de la gravité ne dure qu'un temps et le film va prendre son discret et précieux envol -et Kad Merad se révéler en effet excellent acteur dramatique !Thriller middle classCar ce qui séduit dans ce qui s'apparente plutôt à un mélo retenu - peu de cris et presque pas de larmes, c'est la manière dont Lioret garde, avec la même solide force de caractère que son héroïne, le cap qu'il s'est fixé. Dès la première lettre de Loïc reçue par Lili, on devine que celle-ci va partir à la recherche de son frère. Trouvera, trouvera pas ? La précision de l'écriture est digne d'un thriller où l'intrigue n'est jamais traitée comme un prétexte, même si on sent bien sûr que c'est ailleurs qu'il faut regarder. Par exemple, dans la peinture assez inédite de cette classe moyenne, brossée ici avec un sens du détail maniaque (regardez les marques des lecteurs DVD...). Ce qui permet des scènes surprenantes comme celle où, lors d'une soirée du nouvel an, Lili ressent l'écart qui la sépare des jeunes nantis qui l'entourent. L'autre réussite du film, c'est son histoire d'amour naissante ; Lioret avait déjà prouvé avec le couple Bonnaire/Gamblin qu'il avait un certain sens de l'alchimie entre comédiens. Coup double ici grâce au beau tandem formé par Mélanie Laurent et le toujours parfait Julien Boisselier, dont l'attirance évidente mais contrariée est l'autre fil d'Ariane du film. Que celui-ci aboutisse au moment où le récit est soudain secoué par d'imprévisibles révélations, prouve à quel point Je vais bien, ne t'en fais pas, derrière sa très française modestie - mise en scène sobre et efficace, en remontre niveau contrôle des émotions du spectateur à un Shyamalan désormais essoufflé. Ce n'est pas le même cinéma, certes, mais c'est, en fin de compte, un plaisir du même ordre.Je vais bien, ne t'en fais pasde Philippe Lioret (Fr, 1h40) avec Mélanie Laurent, Julien Boisselier, Kad Merad ...