THE PASSENGER

Vendredi 8 décembre 2006

de François Rotger (Can-Jap-Fr, 1h28) avec Yusuke Iseya, Gabrielle Lazure...

Si The Passenger porte le titre américain du Profession reporter de Michelangelo Antonioni, ce n'est sans doute pas un hasard. L'impossibilité à communiquer, l'égarement de l'homme dans un univers urbain déshumanisé donnent au premier long-métrage du photographe François Rotger, une étrangeté rappelant les meilleures réussites du maître de Ferrare. Fonctionnant par ellipses narratives, rencontres muettes entre personnages à la violence contenue, l'aspect "polar" du récit ne représente qu'un vernis vite craquelé : à l'image de Wim Wenders ou Paul Auster, François Rotger plonge ses protagonistes dans une quête dont la seule issue est un cul-de-sac. Mais le pessimisme et le sentiment de l'absurde dominent un récit dont la désespérance n'ôte rien à la beauté. Parfois hypnotique, The Passenger parvient à transcender son scénario, faisant surgir de l'itinéraire de ses zonards une douloureuse et trouble étrangeté. Mafieux sur le retour, escroc aussi insaisissable que pathétique, femme superbe tourmentée par ses rides naissantes, apparaissent comme les acteurs d'une comédie humaine désespérée. Japonais naufragé au Canada, canadien nippophone, les personnages sont pris dans un déracinement perpétuel rejoignant leur exil intérieur. Le film s'égare de temps à autres, ne maîtrisant pas toujours son rythme, au risque de faire apparaître son style de mise en scène comme une pose auteurisante. Mais François Rotger parvient à conférer à l'ensemble, via son expérience de photographe, l'aspect d'un ballet tragique à l'obscure beauté. Pour qui aime les atmosphères atypiques, et pardonne volontiers certaines imperfections à un premier film, The Passenger saura apporter une émotion que seules peuvent donner les balades mélancoliques dans des paysages étranges et perdus. De la mélancolie de l'exil à l'explosion de violence, ce film de nulle part fait sourdre la tristesse de la solitude et des illusions enfuies. NM