VOL 93

Vendredi 8 décembre 2006

Avec le récit du seul avion du 11 septembre à avoir raté sa cible, suite à la révolte des passagers, Paul Greengrass atteint sa cible sans problème. Nikita MALLIARAKIS

Un signe de la maturité du cinéma contemporain est sans doute la relative absence de films de propagande bêtes et brutaux à la suite des attentats du 11 septembre 2001. L'ampleur de l'événement le rend sans doute encore insaisissable aux grosses pattes des faiseurs de séries B friquées. Tant pis pour les amateurs de nanars, mais tant mieux pour le cinéma, qui trouve dans ce Vol 93 un excellent représentant. Tourné façon "cinéma-vérité" par le britannique Paul Greengrass (Bloody Sunday, La Mort dans la peau), ce film direct et affûté, au pathos minimal, évite tous les écueils redoutés du patriotisme beuglard grâce à un style semi-documentaire proche des premières œuvres de Francesco Rosi. Le détournement et sa tragique conclusion sont représentés de manière sèche et strictement chronologique, depuis l'embarquement jusqu'aux dernières secondes frénétiques dans la cabine de pilotage. En outre, Greengrass a engagé des comédiens peu connus - et pour certains, non professionnels - pour incarner les protagonistes. Aucune notoriété trop tapageuse ne vient empêcher le spectateur de s'identifier aux héros du drame.La mort en directAucun cabotinage intempestif ne vient parasiter un film visant à l'objectivité. On félicitera au passage Paul Greengrass pour avoir évité toute diabolisation nanardesque des terroristes : on voit la peur dans les yeux des quatre jeunes pirates de l'air, qui demeureront jusqu'au bout des êtres humains enferrés dans leur tragique détermination. Certaines critiques peuvent être adressées au film : peu de données existant sur le déroulement précis des événements, une part d'invention était inévitable dans une œuvre aspirant pourtant au réalisme le plus total. On peut se demander si l'inclusion d'un businessman allemand plus ou moins pleutre, et opposé à la révolte contre les terroristes, était bien nécessaire... Mais le personnage demeure cependant crédible et évite lui aussi la caricature d'une "vieille Europe" engluée dans sa couardise. Malgré un début marqué par une certaine austérité, Vol 93 monte en puissance grâce à une narration sèche et nerveuse et parvient à susciter une réelle tension, malgré un dénouement connu de tous. Évitant l'ennui qui aurait pu naître d'une débauche d'aridité documentaire, le film se concentre sur ses personnages pour atteindre au final une réelle humanité dénuée de misérabilisme. Passant d'une minutie entomologique à une rapidité de thriller pour donner au récit, dans les derniers instants, toute sa dimension tragique et absurde, Vol 93, malgré les imprécisions historiques, fait honneur au cinéma hollywoodien, qui nous rassure pour le coup sur sa bonne santé intellectuelle. VOL 93 de Paul Greengrass (EU, 1h31) avec Christian Clemenson, Trish Gates...