Da Vinci Code

Mercredi 31 mai 2006

Si le film de Ron Howard se pose comme une adaptation relativement fidèle du best-seller de Dan Brown, il en souligne surtout les défauts avec grandiloquence. Ou comment, à force de compromis, un long-métrage finit par ne plus ressembler à rien. François Cau

Revenons à la source. Qu'est-ce que le roman de Dan Brown a de plus que tous ces thrillers invraisemblables bourgeonnant sur les plages et les halls de gare ? Une réappropriation plus ou moins habile, enrobée d'une narration feuilletonnesque à souhait, d'une théorie mettant en doute les fondements de la foi chrétienne. Mais avant tout, il y a ce très sentencieux avant-propos, nous garantissant que grands nombres de faits, documents et autres rituels décrits dans l'ouvrage sont vrais. Une assertion démontée depuis par toute une clique de pourfendeurs en tout genre, comme nous le rappelle le brushing de Tom Hanks, dont le personnage devient soudainement sceptique dans l'une des rares scènes légèrement retouchées par rapport au bouquin ; "C'est ce qu'ils veulent vous faire croire !", nous répond un Ian McKellen endossant le douloureux rôle du conspirateur exalté. Ron Howard et son scénariste attitré Akiva Goldsman foirent là une nouvelle scène, mais dévoilent de façon frontale au spectateur déjà alangui les grossières limites de leur adaptation. L'intrigue a été lissée pour ne pas trop froisser l'Opus Dei et les catholiques, mais, pour ne pas déstabiliser les fans, les allées et venues saugrenues des deux héros ont été livrées telles quelles.Saint râle Dès lors, les aficionados de Dan Brown ne devraient pas trop avoir de raisons de s'énerver. Mais en se concentrant sur les seules données factuelles du bouquin original, Howard et Goldsman nous démontrent à quel point celui-ci pêche en vraisemblance (voir l'incompétence des forces de police, déjà absurde dans le bouquin, et ici carrément risible). Que reste-t-il de The Da Vinci Code une fois le filtre hollywoodien appliqué ? Une mise en scène impersonnelle au possible, dans laquelle des acteurs fades et sous-exploités au dernier degré s'ébattent vainement (Tom Hanks en spécialiste des symboles pratiquant l'éidétisme, on y croit !). D'antiques mystères déchiffrés en cinq minutes maxi pour coller au timing, des ellipses et autres erreurs narratives comme on n'en avait plus vu depuis longtemps (ma préférée ? les flics français qui se mettent subitement à causer anglais entre eux !). Le film marche tellement sur des œufs que toute sa maigre substance s'évapore au bout de la première bobine, devenant une succession de vignettes destinées à conforter les fans et à calmer les autres. En dehors des quatre pauvres flash-backs illustratifs, l'action de The Da Vinci Code se résume à des palabres interminables filmés en champs/contrechamps fainéants. Pire, dans ce marasme, chaque "révélation" sonne de plus en plus faux, jusqu'à la consternation finale, assénée par un Tom Hanks qu'on croirait revenu dans les comédies post-ados ayant fait sa prime renommée. Dès qu'il sera vu, le film apaisera les courroux de par son statut de série Z ; reste un ultime mystère : où sont passés les 125 millions de dollars de budget ?Da Vinci CodeDe Ron Howard (EU, 2h42) avec Tom Hanks, Audrey Tautou...