Le Caïman

Mercredi 7 juin 2006

De Nanni Moretti (Ita, 1h50) avec Silvio Orlando, Jasmine Trinca...

Une idée géniale rythme Le Caïman : faire de son héros un fade producteur de séries Z. Le film débute d'ailleurs sur le plus fameux (Cataracte), où une héroïne intrépide embroche du marxiste-léniniste avant de sauter par la fenêtre. Sorti du cinéma d'exploitation violemment orienté qui fit sa gloire, Bruno est un loser, sur le point de perdre sa femme, en attente de concrétisation d'un projet foireux sur Christophe Colomb. En lisant le scénario du Caïman "en transversal", il nous fait part d'une vision délibérément bis du sujet (indirectement) traité, Silvio Berlusconi, dont les apparitions réelles par le biais de la télévision sèment le trouble. Un jeu de miroirs passionnant, une étude pleine de tendresse sur un cinéma touchant de naïveté irresponsable, une bonne maîtrise du montage signifiant, autant de qualités malheureusement tempérées par de longs tunnels narratifs sur l'aspect plus mélodramatique du récit. Les déboires de Bruno et de son épouse s'inscrivent dans la droite logique faussement fuyante du film, mais finissent par le plomber de façon regrettable. L'épilogue confirme ce laïus : l'histoire d'amour sera sacrifiée sur l'autel de la réalisation du projet, et les images du Caïman de défiler. Nanni Moretti y endosse sans artifices le rôle du Cavaliere, au sortir de son procès, et livre sa prestation la plus mémorable. Passé le bref sentiment que le film s'achève comme il aurait dû commencer, Le Caïman pose tout de même la question et y répond en demi-teinte : comment un bad guy de mauvaise série B a-t-il pu arriver jusque-là ? FC