Mission : impossible 3
Grosse production, grosse tête : avec J.J. Abrams aux commandes, Mission Impossible devient un James Bond sous amphét', plombé par un Tom Cruise définitivement désagréable. Luc Hernandez
Quelle idée d'avoir une femme. Quand on est condamné à l'espionnage international et qu'on n'a pas de temps à partager, on ne risque qu'une seule chose : se la faire piquer. Voire même se la faire piquer par le psychopathe qu'on est en train de rechercher, qui l'enlève et menace de lui faire sauter le joli minois. C'est en tout cas l'idée de départ, pas franchement au top de l'innovation conjugale, qui ouvre le troisième volet des aventures de plus en plus James Bondesques d'Ethan Hunt, alias Tom Cruise Soi-même. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ça commence saignant, avec une scène de torture dans laquelle Philip Seymour Hoffmann nous prouve immédiatement qu'il a retrouvé l'intégralité de ses hormones depuis Truman Capote, et qu'il compte bien tout faire péter. Tout faire péter, c'est ce que va faire le film aux trois coins du monde (Berlin, Rome Shanghai) pendant deux heures non-stop où l'on aura à peine le temps de rire dans sa barbe en entendant Tom Cruise vanter la famille, la vraie, avec l'ouverture d'esprit digne d'un échange entre Christine Boutin et Ségolène Royal à l'Assemblée nationale. Car la bonne nouvelle de ce troisième épisode, c'est l'avalanche de scènes d'action époustouflantes qui n'arrêtent pas de défiler devant nos mirettes éberluées. Après le trompe-l'œil distancié de De Palma (le premier épisode et définitivement le meilleur), après le clip m'as-tu-vu de John Woo se limitant à une promo pour lunettes de soleil (le deuxième et le moins bon), voilà l'hyper-réalisme de J.J. Abrams, créateur d'Alias et surtout réalisateur de la série Lost, dans laquelle il a puisé le meilleur de la mise en scène catastrophiste. Un réalisme ébouriffant dans la lignée de Paul Greengrass (réalisateur de Bloody Sunday puis de La Mort dans la peau), avec cette façon tendue de faire vivre la caméra au cœur de l'action, de créer un suspense de panique ou de surprise, comme si à tout instant tout pouvait arriver à l'intérieur du champ. Et tout arrive.CruisingReste le problème Tom Cruise, acteur et producteur, qui a fait depuis le début de Mission impossible un monument dédié à sa gloire personnelle. Qu'il aille poser une bombe dans les caves du Vatican déguisé en moine romain avec une croix catholique en guise de détonateur, c'est déjà très con et assez douteux de la part d'un scientologue proclamé. Qu'il écarte en permanence du champ les seconds rôles (deux secondes pour Jonathan Rhys-Meyers) pour être sûr de garder la vedette, ça devient encore plus désagréable. Qu'il se prenne du haut de ses 1m60 pour le super-héros qui parle toutes les langues (il faut le voir courir sur le canal de Shanghai en criant des mots incompréhensibles pour écarter les passants), tire dans toutes les positions et survivrait même à la bombe atomique en étant placé au cœur du réacteur, le tout sans le moindre humour, ça devient carrément ringard et grotesque. Et limite ce qui aurait pu être un grand film d'action à une acrobatie de nain de jardin.M :I :III de J.J.Abrams (EU, 2h06) avec Tom Cruise, Tom Cruise, Tom Cruise...