Mortuary

Mercredi 10 mai 2006

L'agonie artistique du réalisateur de Massacre à la tronçonneuse n'en finit plus. Logé dans une morgue, le nouveau film de Tobe Hopper s'égare mollement dans divers registres du cinéma bis, et signe l'épitaphe d'un petit maître de l'épouvante. Christophe Jacquet

Loin d'être une métaphore de ce qui se passe aujourd'hui aux Etats-Unis", comme il le proclame sans rire, le nouveau film de Tobe Hooper illustre bien au contraire la gangrène qui frappe son cinéma. S'il y a bien une malédiction, elle n'est pas dans Mortuary, comédie horrifique décevante. Elle réside encore et toujours dans Massacre à la tronçonneuse, son premier film et chef-d'œuvre inégalé. Depuis, Hooper ne cesse de courir après cette pierre philosophale du cinéma d'épouvante, précurseur du slasher movie, qui suggère plus qu'il ne montre. Plus de vingt après, le réalisateur de Poltergeist ou The Mangler (avec Robert "Freddy" Englund) est exsangue, cantonné à la réalisation d'épisodes de séries télévisées - Les Contes de la Crypte, Dark Sies... - ou de remakes. Si ce n'est la nostalgie liée au culte de Massacre à la tronçonneuse, on se demande par quel miracle Mortuary a pu atterrir sur de (rares) écrans français, quand il est directement sorti en DVD aux États-Unis. Bref, comme son nom l'indique, le seizième long métrage de Tobe Hooper investit une entreprise de pompes funèbres délabrée, sise au pied d'une vague colline au fin fond de la Californie. Les Doyle - la mère Leslie qui s'improvise embaumeuse, Jonathan, adolescent emprunté et Jamie, gamine angoissée - commencent une nouvelle vie dans cette maison décrépite et lentement engloutie par le sol. Étrangère aux rumeurs d'une bourgade arriérée, la petite famille réveille bientôt un maléfice proliférant, qui ravive les morts et parasite les vivants. Même pas peurSuivant un schéma convenu, Tobe Hooper radote ici un propos usé sur la famille américaine et les valeurs morales de son pays. Invité le 27 mars par la Cinémathèque à Paris, il est pourtant présenté par Jean-François Rauger, nouveau directeur de la Mecque française du 7e art et critique au Monde, qui avait bien appris sa leçon, vantant un rare "équilibre entre terreur, humour et critique sociale". Le film dilue cette triade thématique dans une succession de compromis, compilant une longue mise en place dont les angles et la lumière fleurent bon les années 70, des blagues macabres potaches, et des enchaînements prévisibles. Surtout, Hooper sacrifie sa maîtrise du hors-champ sur un autel de poncifs bâti plein cadre : le mal propagé par contamination, des zombies et un bestiaire numérique grotesques. Perdu pour le cinéma de genre, ce bonhomme jovial devrait peut-être s'atteler à ces "comédies" qu'il a toujours "voulu faire", sans jamais y parvenir.Mortuary de Tobe Hooper (EU., 1h30), avec Dan Byrd, Stephanie Patton, Denise Crosby, Alexandra Adi...