Silent Hill
Monstrueusement attendu au tournant (par les échaudés du Pacte des Loups et les nombreux fans hardcore des jeux), Christophe Gans s'en tire avec les honneurs, signant sans nul doute la meilleure adaptation ciné de jeu vidéo. Mais niveau cinéma, c'est un rien moins bandant.François Cau
Rendons à César ce qui lui appartient, les jeux créés par Akira Yamaoka ont fait l'effet de bombes. L'auteur y développait, dans des univers morbides à souhait, des histoires aux effets aptes à provoquer une peur panique (perso, le deuxième volet m'a empêché de dormir plus d'une fois). C'est dire si la tâche de Christophe Gans était énorme... Les gamers invétérés devraient y trouver leurs comptes, tant le réalisateur se range précautionneusement à leurs côtés. Exit le kaléidoscope visuel de Crying Freeman ou du Pacte des Loups, sayonara les montages abusant d'accélérés/ralentis, auf wiedersehn Mark Dacascos. Gans s'acquitte des invariables séquences introductives & familiales avec célérité, avant de s'installer dans ce décor de ville fantôme avec un sain plaisir déviant. Dès lors, les fans se régalent ; la tétanisante intro du premier Silent Hill est restituée telle quelle, les décors et les créatures les plus emblématiques répondent présents, l'horreur glauque est beaucoup plus que suggérée. L'implication émotionnelle du joueur est substituée par un respect déférent du matériau de base, et le scénario nous fait la grâce de dépasser le stade du produit idiot auquel on ne peut même pas jouer pour accélérer le rythme.Baroque is not deadMais pour habile qu'il soit dans la durée, le récit développé dans les jeux Silent Hill n'est pas vraiment bouleversant non plus. L'évidence tant redoutée se fait vite jour : le fait de se retrouver témoin passif du déroulement de l'histoire amoindrit considérablement son impact. Si Christophe Gans fait montre d'un don affirmé pour restituer l'atmosphère de la saga, le film ne décolle que rarement, l'ambiance étant plutôt à l'angoisse continue qu'à la terreur crescendo. Mais au gré de saisissantes séquences de gore baroque (qu'on attribuera scénaristiquement à Roger Avary, comme ça, de façon arbitraire), Silent Hill se démarque du tout venant de la production horrifique US. De véritables cauchemars gothiques, croisement esthétique entre Jérôme Bosch, Hans Bellmer, Francis Bacon et Hellraiser (rien que ça !), les seules images à nous rester en tête au sortir de la projection. Mais quelles images ! On remercie bien évidemment les effets spéciaux numériques, mais également les esprits dérangés qui les ont imaginés ; les mêmes qui nous ont concocté un faux happy end étonnamment bien vu, à la mélancolie bienvenue. Juste de quoi quitter la salle sur un sentiment globalement positif, quitte à se demander si le discours sur le fanatisme religieux n'était pas plus subversif qu'il n'en avait grossièrement l'air...Silent Hillde Christophe Gans (EU, 2h07) avec Radha Mitchell, Sean Bean...