OSS 117
Les producteurs de Brice de Nice remettent le couvert avec Jean Dujardin. Avec Michel Hazanavicius derrière la caméra et Jean-François Halin au scénario, ça devient une des meilleures comédies de l'année. Sans rire.
Comme ça fait plaisir de voir dans la comédie française une aussi belle tentative d'importation du gag flegmatique à la Blake Edwards : un cadre soigné, un costard impeccable, une trombine bien peignée (scène hilarante ou d'un revers de main au matin Dujardin retrouve toute sa gomina), et un gros débile au milieu, petit fils de Jerry Lewis (en moins grimaçant) et de l'inspecteur Clouseau dans La Panthère rose. C'est le comique le plus casse-gueule : ne pas jouer sur l'hystérie pour donner une illusion de rythme qui s'essoufflerait au bout de trois sketches, mais construire un tempo tranquille mais calibré, un contexte peinard et classieux dans lequel surgissent à la dérobée des gags fusées. Et en la matière (très cinématographique, le gag surgit toujours de la mise en scène), Michel Hazanavicius et son compère Jean-François Halin (ex-Guignol et scénariste des comédies de Timsit comme l'inénarrable Quasimodo del Paris), signent quelques perles. La scène hilarante du Bambino improvisé façon arabisante, ou le plan épinglé sur cette petite rigole de sueur en forme d'estuaire sur la raie des fesses, qui marque si discrètement le pantalon moulant de Jean Dujardin, emportent le pompon."Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !" (sic)Parodie cinéphile à tous les étages : des films d'espionnage façon James Bond, de la série des OSS d'André Hunebelle dans les années 50... (le film reproduit même les techniques de transparence et les éclairages d'époque). Pourtant, OSS 117 acquiert une véritable personnalité, subtil mélange de burlesque américain et d'ambiance vieille France à la Fantômas. Le contexte historique de la quatrième république et de la fin de la colonisation fonctionne à plein, le machisme chic et étriqué, les allusions politiques aussi. En prime, et ce n'est pas rien, Halin et Hazanavicius se paient une bonne dose de fronde politiquement incorrecte. D'abord en campant un néo-nazi ridiculisé à la façon de Lubitsch ou Mel Brooks ("on est en 1955, on a droit à une deuxième chance, quand même !", s'exclame le teuton). Ensuite en se moquant des intégristes islamiques (voir la scène irrésistible où ce gros bêta de Dujardin se sert d'un haut-parleur pour engueuler l'appel à la prière du muzzin !). Satire on ne peut plus gonflée par les temps de dégonflés qui courent, à laquelle s'ajoute un casting tout aussi (dé)culotté : pas de vedette en caméo pour attirer le chaland sur l'affiche, mais à côté des donzelles Bérénice Béjo et Aure Atika tendance Emma Peel, une batterie de seconds rôles contagieux qui ont trempé dans la bonne soupe du théâtre et du café-théâtre depuis tout petits. Mention spéciale à l'impro suicidaire de l'acteur belge François Damiens, et au rire en cascade d'Eric Prat, digne des trombines du cinéma français de l'après-guerre. De la vraie bonne comédie populaire.OSS 117, Le Caire nid d'espions de Michel Hazanavicius (Fr, 1h39) avec Jean Dujardin, Bérénice Béjo...