Odete

Mercredi 18 janvier 2006

de Joao Pedro Rodrigues (Portugal, 1h41) avec Ana Cristina de Oliveira, Nuno Gil...

O Fantasma, premier long du cinĂ©aste portugais, vous malmenait brutalement au grĂ© de visions psychĂ©dĂ©liques, scato, queer et cuir. Avec Odete, Joao Pedro Rodrigues resserre plus clairement l'Ă©tau de ses influences, ici criantes (de Bresson Ă  Pasolini), et livre une œuvre toute aussi rugueuse dans ses partis pris. La narration y gagne en lisibilitĂ©, mais l'enchaĂ®nement brut des sĂ©quences vise toujours Ă  rĂ©veiller les sensations les plus Ă©pidermiques. Odete patine entre les allĂ©es du supermarchĂ© oĂą bosse Ă©galement Alberto, son compagnon. Avant de se sĂ©parer, Pedro et Rui Ă©changent un baiser interminable et des serments amoureux Ă  la pelle. L'ambiance vire fissa Ă  la sinistrose : Odete se fait lâcher par son fiancĂ© pour avoir Ă©voquer son dĂ©sir de maternitĂ©, et Pedro meurt dans les bras de Rui, après un accident de voiture. En rĂ©ponse invraisemblable Ă  tous ces maux, Odete oublie Alberto et s'identifie Ă  l'Ă©phèbe dĂ©cĂ©dĂ©. Un mĂ©nage Ă  trois macabre que le rĂ©alisateur enveloppe de sa mainmise esthĂ©tique sournoise : corps languides et dĂ©nudĂ©es, manège incessant entre attraction et rĂ©pulsion, scènes Ă©tirĂ©es, rĂ©pĂ©tĂ©es jusqu'au malaise... L'abstraction sordide de O Fantasma trouve ici un pendant faussement rĂ©aliste, dont Joao Pedro Rodrigues se plaĂ®t Ă  tester en permanence l'Ă©quilibre instable. Odete, via ses atours de mĂ©lo glauque en quĂŞte dĂ©sespĂ©rĂ©e de romantisme, demande de son spectateur une adhĂ©sion aveugle, au risque de le perdre au jeu de son impulsivitĂ© casse-gueule. L'outrance de la sĂ©quence finale reflète parfaitement, Ă  cet Ă©gard, la tonalitĂ© d'un film oĂą l'emphase dĂ©placĂ©e tutoie une naĂŻvetĂ© sublime.François Cau