de Joao Pedro Rodrigues (Portugal, 1h41) avec Ana Cristina de Oliveira, Nuno Gil...
O Fantasma, premier long du cinéaste portugais, vous malmenait brutalement au gré de visions psychédéliques, scato, queer et cuir. Avec Odete, Joao Pedro Rodrigues resserre plus clairement l'étau de ses influences, ici criantes (de Bresson à Pasolini), et livre une œuvre toute aussi rugueuse dans ses partis pris. La narration y gagne en lisibilité, mais l'enchaînement brut des séquences vise toujours à réveiller les sensations les plus épidermiques. Odete patine entre les allées du supermarché où bosse également Alberto, son compagnon. Avant de se séparer, Pedro et Rui échangent un baiser interminable et des serments amoureux à la pelle. L'ambiance vire fissa à la sinistrose : Odete se fait lâcher par son fiancé pour avoir évoquer son désir de maternité, et Pedro meurt dans les bras de Rui, après un accident de voiture. En réponse invraisemblable à tous ces maux, Odete oublie Alberto et s'identifie à l'éphèbe décédé. Un ménage à trois macabre que le réalisateur enveloppe de sa mainmise esthétique sournoise : corps languides et dénudées, manège incessant entre attraction et répulsion, scènes étirées, répétées jusqu'au malaise... L'abstraction sordide de O Fantasma trouve ici un pendant faussement réaliste, dont Joao Pedro Rodrigues se plaît à tester en permanence l'équilibre instable. Odete, via ses atours de mélo glauque en quête désespérée de romantisme, demande de son spectateur une adhésion aveugle, au risque de le perdre au jeu de son impulsivité casse-gueule. L'outrance de la séquence finale reflète parfaitement, à cet égard, la tonalité d'un film où l'emphase déplacée tutoie une naïveté sublime.François Cau