L'Arc
de Kim Ki-duk (Corée du Sud, 1h30) avec Han Yeo-reum, Jeon Sung-hwan, Seo Ji-seok...
"Chacun de nous s'enferme dans une maison vide et attend que quelqu'un vienne lui ouvrir la porte". Ces mots du réalisateur de L'île et Locataires en disent long sur ce qui hante une filmographie dont on s'empressera ici de franchir les portes, accès garantis à de précieux trésors. Dans L'Arc, fable poétique entre ciel et mer, c'est un autre trésor que garde un vieil homme : une jeune fille dont il s'occupe depuis bientôt dix ans. Dans quelques jours, elle soufflera ses dix-sept bougies tandis qu'il lui soufflera sa virginité. En attendant, il faut bien vivre ; l'impatient futur époux accueille donc sur son modeste bateau ces pirates de pêcheurs qui zieutent de trop près la belle innocente. Heureusement il a son arc et quiconque a le regard insistant se risque à recevoir une flèche dans une partie sensible de son anatomie. Oui mais voilà , un beau jour le prince arriva et patatras ! la jeune fille ressent de drôles de choses qu'elle ne connaissait pas - le désir - et le vieil homme quelque chose qu'il connaîtra trop - la jalousie. Kim Ki-duk fait encore mouche avec cette nouvelle déclinaison du "suis moi, je te fuis ; fuis-moi, je te suis". Il y défend ses thèmes de prédilection (le fantasme obsessionnel sans issue, la quête de solitude et d'évasion...) en artisan perfectionniste qu'il est, façonnant un peu plus son univers, que l'on reconnaît aujourd'hui dès les premiers plans ; univers où l'amour se mêle à la mort, la violence à la volupté, l'intense à l'instinctif, jusqu'à atteindre une extrême beauté. Avec douze longs au compteur, le cinéaste coréen allie toujours aussi magistralement puissances narrative, onirique et esthétique. Il se paye en outre le luxe de dessiner, film après film, un portrait rare de femme à la fois belle, sauvage, autoritaire, inaccessible et mystérieuse, déambulant sur le fil d'un monde en déséquilibre.Bruno Darmon