THE RESIDENTS

par
Mercredi 14 décembre 2005

"The Third Reich'n'roll" (Mute/Labels)

En 1976, les Residents n'ont pas encore enfilé leurs mythiques globes oculaires sur la tête et n'ont pour toute production discographique qu'un album sorti confidentiellement et un autre... pas sorti du tout. Sous l'influence du kraut-rock et du rock d'avant-garde allemand (Can et Faust, surtout), ils ont l'idée d'une bonne blague : un album concept où les standards du rock populaire sont chantés à la manière des chants patriotiques allemands nazis, le tout enrobé d'un packaging ne lésinant pas sur les croix gammées. Résultat : un scandale, malgré le tirage encore limité, et une tentative de censure qui, comme souvent, révèle toutes les ambiguïtés de la "liberté d'expression". Même si, en lisant les notes qui accompagnent cette discrète réédition, tout est fait pour insister sur la dérision d'un tel projet, on ne peut s'empêcher d'y voir une critique judicieuse de la culture de masse : fascinés par la marge et l'underground, les Residents comparent le rock'n'roll et ses avatars commerciaux à des petites machines de guerre propagandistes et totalitaires, le déhanchement du twist au bras levé face au Führer. Gonflé certes, mais ni plus ni moins qu'un épisode bien gratiné de South Park ; d'ailleurs, la musique des Residents est aussi basique que les dessins de Stone et Parker, mais tout aussi subversive. Il faudra attendre qu'ils trouvent une proie plus facilement partageable (la pub avec le Commercial Album) pour que leur rock contesto-rigolo trouvent enfin de fervents adeptes.CC