Le Roi n'est pas encore nu

Mercredi 21 septembre 2005

Arnaud Desplechin vient à la FNAC reparler de son Rois et reine pour sa sortie en DVD. Un commentaire des commentaires qui n'épuisera pas la richesse d'un film définitivement éblouissant.Christophe Chabert

À quoi sert le DVD ? À (re)voir le film avant tout et, parfois, à lui offrir une autre vie, théorique, celle du commentaire direct ou indirect délivré dans les fameux (mais parfois pas fameux) bonus. Dans le cas de Rois et Reine d'Arnaud Desplechin, il y eut d'abord une chose frappante : les interviews données par le cinéaste à la sortie du film ressemblaient déjà à des commentaires audio par leur précision et l'extraordinaire simplicité avec laquelle il arrivait à faire revivre les scènes, de l'écriture au montage, soulignant leurs enjeux sans rentrer dans l'explication des "intentions". Le DVD, pourtant, ne contient pas ce "commentaire audio" attendu ; à la place, c'est un jeu de bonus inégaux qui joue le rôle de porte ouverte sur l'œuvre. Que Desplechin n'ait pas choisi la facilité face à un film aussi génialement ambigu n'a dans le fond rien de surprenant. Car dans le petit théâtre de la cruauté qu'est Rois et Reine, dans ce labyrinthe de signes récurrents et d'émotions contradictoires, cette alliance faussement brouillonne entre négligé formel et vraie leçon de cinéma, Desplechin ne cesse d'égarer le spectateur."Un grand scénario"Sur le DVD, on retrouve le cinéaste face au critique comique Pierre Murat, lui montrant le scénario du film. "C'est un grand scénario" dit-il, précisant ensuite dans un sourire que cette grandeur est seulement une question de format. C'est surtout un incroyable brouillon où chaque page est pleine de notes, dessins, réflexions, citations... C'est cet objet étrange que Desplechin commente : surprenant pour un homme qui, en bon héritier de la nouvelle vague, est avant tout préoccupé par la "mise en scène". Mais la mise en scène, ce sont déjà ces fameuses et innombrables notes ; la mise en scène est déjà "écrite". Petit saut un bonus plus loin, et voilà Mathieu Amalric et Hyppolite Girardot qui expliquent la méthode Desplechin : ne jamais faire la même prise, rejouer les scènes avec des émotions contradictoires et se débrouiller ensuite au montage avec ces multiples pistes pour n'en garder qu'une (surprenante) ou toutes (la scène de l'annonce par Esther à sa sœur de la maladie de leur père). Retour en arrière : Desplechin explique à Murat que "tout raccord doit contenir une nouvelle information. Sinon un plan suffit". Donc, les "faux raccords" qui truffent le film sont en fait des sutures visibles et honnêtes, des raccords "justes" sur des émotions qui revendiquent la vérité et pas le réalisme. Bonus suivant : l'un en face de l'autre, Desplechin et Emmanuelle Devos rejouent pour la télé leur rencontre, les films qu'ils ont fait ensemble, les leçons qu'ils ont apprises l'un de l'autre. Où l'on découvre que le cinéaste est surtout un amoureux des acteurs, que ce sont eux qui écrivent le film sur le tournage et que lui se contente d'enregistrer cette invention-là. Dernier retour, au film cette fois-ci : la méthode Desplechin entre les mains, on l'oublie instantanément, emportés à nouveau par la folie tragi-comique qui y circule, sans commentaire cette fois-ci, seul face à du très grand cinéma.Arnaud DesplechinÀ la FNAC Bellecour le 10 septembre à 11h"Rois et reine" (Bac Vidéo)