Le Parfum de la dame en noir
Avec cette suite du Mystère de la chambre jaune, Bruno Podalydès retrouve l'essence burlesque de son cinéma, en la teintant d'une jolie nuance tragique, faisant presque oublier les lourdeurs de l'intrigue écrite par Gaston Leroux.Christophe Chabert
Du Mystère de la Chambre jaune, on garde le souvenir d'un film désuet, plombé par un surmoi littéraire (le feuilleton populaire) et cinématographique (Alain Resnais forever) dont le mariage n'était pas d'une évidence grandiose. Bruno Podalydès, visiblement intimidé par cette première intrusion dans un cinéma "grand public" avait à cœur de bien faire et mettait de l'eau dans son vin. Sans doute rassuré par le succès du film, il peut dans cette suite (il préfère parler "d'aventure en deux parties") prendre des libertés par rapport à Gaston Leroux et faire entrer dans Le Parfum de la dame en noir toutes ses envies, toutes ses folies et toutes ses passions. Ainsi débute le film : une formidable séquence d'illusionnisme à l'ancienne réalisée selon les techniques de Robert Houdin. Manière de manifeste discret : ce film sera celui de la magie retrouvée, un plaidoyer léger pour un cinéma du bricolage enthousiaste, dont l'acmé sera atteinte lors d'une géniale réaction en chaîne dans une cave où, en un seul plan, un balai fait s'écrouler l'intégralité de la pièce, objets après objets.Humour en noirAutre moment-clé : Rouletabille, à la recherche de cette dame en noir, mère absente retrouvée en femme amoureuse d'un criminel increvable, revient sur le lieu de la scène primitive, le pensionnat où elle venait lui rendre visite. Dans un simple plan-séquence, Podalydès s'offre un aller-retour du présent au passé où le film affirme un désir de gravité nostalgique qui n'était même pas effleuré dans La Chambre jaune. Là aussi, il y aura un pic : quand Rouletabille et Mathilde se rencontrent au pied du château de Port-Cros, dans une superbe nuit américaine signée Christophe Beaucarne , et qu'il la couvre de baisers presque incestueux. Cette part névrotique n'est cependant pas le corps du film, au contraire ; Rouletabille disparaît régulièrement pour laisser son acolyte Sainclair déambouler dans des aventures franchement burlesques. Podalydès est alors à son meilleur : géniale plongée dans un sous-marin artisanal, hilarant dialogue de périscope... Le film brille aussi dans ce registre par les nouveaux personnages qui y font irruption : Michel Vuillermoz en curé fataliste, Elbaz en prince-hypnotiseur et Bruno Podalydès lui-même qui prend plaisir à s'écrire des blagues volontairement nulles. Reste alors l'intrigue de Leroux, incompréhensible jusqu'à sa bavarde résolution par le "bon bout de la raison" ; même réduite à la portion congrue, ce polar sans palpitation ressemble à une béquille encombrante. Podalydès, qui arrive ici à une certaine perfection dans le détail baroque et l'invention scénographique, pourra utiliser tout cela dans des aventures franchement personnelles.Le Parfum de la dame en noirde Bruno Podalydès (Fr, 1h55) avec Denis Podalydès, Jean-Noël Brouté, Sabine Azéma...