Creep

Mercredi 18 mai 2005

Lentement mais sûrement, le jeune cinéma britannique apporte sa pierre à l'édifice horrifique, en utilisant avec respect et brio les ficelles élimées du genre. François Cau

L'horreur a le vent en poupe. Tandis qu'Hollywood remake à tour de bras son catalogue international de "classiques" du genre, l'Europe semble s'être égarée en chemin. La France et l'Allemagne rivalisent de ringardise (Haute Tension vs Anatomie 2), le renouveau espagnol s'essouffle quelque peu... Le relais semble avoir été pris par les Anglais, probablement boostés par les succès du très efficace 28 jours plus tard de Danny Boyle et du tout pourri Dog Soldiers de Neil Marshall. En attendant l'excellent hommage zombiesque Shaun of the Dead, voici venir ce premier long-métrage de Christopher Smith. Son précédent court le prédestinait plutôt vers un énième "drame-social-avec-Peter-Mullan" que vers un slasher ; il nous livre pourtant une variation sur le thème autrement plus percutante que le nanar d'Alexandre Aja. Le décalage contrôlé s'installe dès les traditionnelles séquences nous présentant l'héroïne. Pour le coup, une bêcheuse relativement antipathique qui part dans une soirée dans le but de s'y faire culbuter par George Clooney. Manque de chance, elle s'endort dans une station et reste coincée dans le dédale du métro londonien avec pour seule compagnie son dealer, bien défait et sur le point de la violer. Puis soudain un taré mystérieux met un point d'honneur à décimer l'intégralité du casting.Le sommeil du monstreL'originalité la plus jubilatoire de Creep réside dans ses personnages : junkies, crétins, dealers (et une unique concession à l'héritage hollywoodien, le chien débrouillard)... De la chair à canon peu reluisante, à mille lieux des clichés incunables du genre (les seuls ados sont ici des SDF toxicos), et dont les inévitables comportements incohérents face à une telle situation sont justifiés par leurs écarts respectifs. Une astuce scénaristique habile, histoire de faire patienter jusqu'à l'apparition du "monstre", créature particulièrement dégueulasse (interprété avec talent par Sean Harris, vu en Ian Curtis dans 24 Hour Party People), qui élève le film dans des sphères horrifiques encore plus convaincantes. Se laissant néanmoins un bon laps de temps avant de dévoiler le visage de son tueur, Smith prend soin d'installer une ambiance graduellement poisseuse dans son décor labyrinthique, flirte avec les penchants les plus malsains du genre tout comme avec une violence assez crue. L'éternel argument social s'insinue entre les lignes, se fait parfois aussi mince que dans L'Armée des Morts, puis reprend ses droits dans une dernière scène bien dans le ton : gentiment osée, dans une optique qui vise plus à bousculer qu'à révolutionner. Si Creep n'a pas vraiment sa place au panthéon du cinéma d'horreur, sa liberté de ton et sa sournoise efficacité achève de rassurer sur la survie du genre.Creepde Christopher Smith (GB, 1h25) avec Franka Potente, Vas Blackwood, Sean Harris...