Autoportrait en vert

par
Mercredi 27 avril 2005

MARIE NDIAYE (Mercure de France)

En retrouvant Marie Ndiaye dans la collection du Mercure de France qui se nomme Traits et Portraits, le lecteur habituel de son œuvre se dira peut-ĂŞtre qu'il a l'occasion d'en savoir un peu plus sur cet auteur d'origine sĂ©nĂ©galaise Ă  l'univers littĂ©raire si dĂ©routant. Il aura raison. Mais Ă  moitiĂ© seulement. Car cet autoportrait, s'il met en scène un certain nombre d'Ă©lĂ©ments, de personnages rĂ©els (la famille, le lieu de vie, le travail d'Ă©criture) et de thèmes largement Ă©voquĂ©s dans ses œuvres prĂ©cĂ©dentes (la filiation, l'amitiĂ©, le trouble de l'identitĂ©), n'en reste pas moins Ă©nigmatique et envoĂ»tant. Comme si le fait de se mettre Ă  nu, d'esquisser une reprĂ©sentation de soi Ă  travers l'Ă©criture Ă©tait dĂ©jĂ  la promesse de ne pas procĂ©der "trait pour trait". Marie Ndiaye parvient avec un talent unique Ă  mĂŞler les Ă©lĂ©ments de normalitĂ© et de rĂ©alitĂ© Ă  leurs pendants occultes, leur portĂ©e fantastique, leur signification enfouie. D'une phrase Ă  l'autre, les registres se succèdent, les repères s'Ă©vanouissent, les situations se confondent, les personnages se dĂ©doublent. Comme ces nombreuses "femmes en vert ", mi-sorcières mi-fĂ©es, qui hantent le roman et l'esprit de l'hĂ©roĂŻne, double de l'Ă©crivain : "Elles ornent mes pensĂ©es, ma vie souterraine, elles sont lĂ , Ă  la fois ĂŞtres rĂ©els et figures littĂ©raires sans lesquelles l'âpretĂ© de l'existence me semble racler peau et chair jusqu'Ă  l'os". Cet autoportrait en creux, morcelĂ© et kalĂ©idoscopique, nous conforte au moins sur un point : Marie Ndiaye est rĂ©ellement un auteur passionnant. YN