Hotel Rwanda

Publié Mercredi 6 avril 2005

de Terry George (EU-Ang-Afr du Sud-It, 2h) avec Don Cheadle, Sophie Okonedo...

S'attaquer aujourd'hui au drame encore frais du génocide rwandais, qui plus est dans une fiction à l'esthétique très hollywoodienne, pouvait donner quelques craintes. Hotel Rwanda se sort pourtant à peu près de ce terrain miné. Dans cette Liste de Schindler rwandaise (un hôtelier hutu tente de protéger sa famille et finit par sauver une centaine de Tutsis), ce sont d'ailleurs les spielbergeries qui agacent : respirations "humoristiques" pour rassurer le spectateur, suspense déplacé dans les moments tragiques, final édifiant assez loupé. Une fois ces bémols mis (on y ajoutera l'apparition surréaliste de "l'immense" Jean Reno, non crédité au générique !), le film intéresse par sa clarté pédagogique : pas de révélations franches, mais un désir de ne rien laisser dans l'ombre, ni la culpabilité de l'Occident vis-à-vis du conflit, ni la réalité des massacres, ni la responsabilité de la radio et de la police dans l'organisation du génocide. Le film fait ainsi son travail de mémoire avec une certaine justesse, à défaut de finesse. Finesse que l'on trouvera cependant dans l'interprétation remarquable de Don Cheadle. Un exemple : après avoir découvert les dizaines de cadavres qui jonchent les routes de Kigali, il retourne à l'hôtel sans avouer aux réfugiés ce qu'il a vu. Alors qu'il essaie de faire le nœud de sa cravate, il craque, arrache ses vêtements et fond en larmes de colère devant ces gestes dérisoires, costume civilisé trop lourd à porter face à l'abjection qui l'entoure. Cheadle, à cet instant, dit beaucoup sur l'incapacité à exprimer l'horreur quand celle-ci nie l'idée même d'humanité. Une grande scène d'un grand acteur dans ce petit film utile.CC