(Domino/Pias)Comicopera, étrange titre à énoncer d'un souffle, rafistolé en son milieu pour éviter que ne s'en brise le sens précaire, et masquant la véritable nature de ce concept-album en trois actes : triste, colérique, mais surpiqué de rêves comme échappatoire aux désastres intimes et universels. Ces rêves dont Wyatt, 62 ans, a fait le moteur de sa création depuis qu'une défenestration l'a forcé à regarder le monde par en dessous (depuis un fauteuil roulant) et, par là, à rechercher l'élévation. Le premier acte, Lost in Noise, aérien, se frotte aux péripéties amoureuses dans les pas d'une ouverture magistrale(Stay Tuned). Le deuxième, The Here and the Now, le plus émouvant, au chaos d'un monde que Wyatt dit ne pas comprendre, sauf, bien sûr, à travers le prisme de la musique. Le troisième, Away with the fairies, est, à tous points de vue, une évasion déroutante vers l'espoir, retour au cosmos et concession onirique à l'opéra-comique. Wyatt l'idéaliste y renie sa langue natale, sabir cynique et belliqueux des mensonges de la guerre en Irak, lui préférant l'Espagnol, l'Italien et le pastafarisme (ce culte parodique au «monstre en spaghettis volant»). Jusqu'à reprendre, dans un élan de naïveté salsa, la vieille antienne tartuffo-révolutionnaire Hasta Siempre Commandante. Ce dont on pourrait ricaner, si l'on n'était forcé de saluer ce spécimen rare : un homme-enfant que son génie immunise contre le conservatisme oublieux d'une génération meurtrière de ses propres idéaux. SD