Une femme coréenne

Mercredi 28 novembre 2007

Le troisième long-métrage réalisé par l'enfant terrible du cinéma coréen, Im Sang-Soo en 2003, relate l'histoire tragique d'un couple de trentenaire, sacrifiant leur enfant adopté sur l'autel de leur irresponsabilité. SD

Photo : CIPA

Si dans sa forme Une femme coréenne avance par petites touches contemplatives - les véritables enjeux ne sont réellement saisis qu'en milieu de film - les saynètes et plans courts enchaînés du début, déstabilisent par leur incongruité, crudité, et leurs morbidités sous-jacentes. Un procédé qui permet de camper l'atmosphère inquiétante d'une société coréenne au cœur des années 90, incapable de se trouver après une longue période de dictature militaire, perpétuellement en quête d'une sexualité déculpabilisée. À travers le prisme intimiste d'un couple de trentenaire à la dérive, un riche et arrogant avocat, et sa femme, la fine danseuse Hojung, la vie "libérée" qu'a apportée la démocratie ne semble pas vraiment maîtrisable pour cette génération d'aînée. L'avocat, couche et boit avec une photographe, ou avec sa secrétaire, ment, délaisse femme et enfant. Hojung, au fait des mensonges de son mari et pas vraiment blessée, apparaît plutôt perdue dans sa vie, ne sachant qu'y faire, ado attardée sans but. On la voit danser nue devant les yeux ébahis d'un voisin ado avec qui elle va flirter, écouter le père alcoolique de son mari, et s'occuper du fils adoptif du couple. Un fils sacrifié, avec qui elle construit un rapport incestueux, l'enfant étant une sorte du substitut du complice amoureux au cœur de sa solitude.Vision apocalyptique et alcooliséeUne grande partie du film se déroule sans hystérie. Les personnages font preuve d'une placidité étrange face aux évènements et sont tous préoccupés par la recherche frénétique du plaisir sexuel (la femme, la maîtresse, la mère de l'avocat, le mari, l'ado) ; découverte sensuelle qui ne laisse que peu de place pour l'enfant, symbole de construction, de transmission, de mémoire, qui est nié dans cette existence. Cette machine de vie chaotique mais ronronnante - que personne ne semble vouloir faire bouger -, va se trouver grippée par des "accidents" et engendrer, indirectement l'irréparable. Le mari en escapade sexuelle avec sa maîtresse, provoque un accident de voiture et tue un pauvre bougre alcoolique laissant sa famille sur la paille. Grâce à sa situation et à l'argent, l'avocat fait vite classer l'affaire. Enfin, le père de l'avocat meurt. Dans cette scène, Im Sang-soo, fait la preuve de son talent de réalisateur : elle montre une mort spectaculaire, tragique où la drôlerie et le burlesque flirtent constamment. Et, en cela, le cinéma du coréen rappelle le cinéma japonais, notamment celui d'Imamura. Cette scène initie aussi la folie morbide qui secoue la fin de l'histoire, comme si seule une mort inutile avait pu séparer les époux déjà éloignés, et leur permettre de vivre à nouveau.Une Femme coréenne D'Im Sang-soo (2003, Corée du Sud, 1h47) avec Hwang Jung-min, Moon So-ri... (int.-12 ans)ven 23 nov à 20h, à la Cinémathèque