My blueberry nights

Mercredi 5 décembre 2007

de Wong Kar-Wai (Fr-ÉU, 1h35) avec Norah Jones, Judd Law, Natalie Portman...

Au milieu de My blueberry nights, le spectateur entend une mélodie familière, qu'il peine toutefois à reconnaître instantanément. Après quelques secondes de cogitation, il comprend qu'il s'agit d'une reprise à la guitare acoustique du fameux thème popularisé par In the mood for love, le film de la consécration internationale pour Wong Kar-Wai. Ce détail, a priori insignifiant, est en fait le meilleur résumé du film tout entier : un grand exercice d'autocitation, aussi séduisant sur la forme que vain sur le fond. Car cette histoire d'amour qui prend la forme d'un (dé)tour de l'Amérique en 300 jours, a de biens jolis attraits : un casting d'acteurs beaux et charismatiques (et très bien dirigés, y compris la débutante Norah Jones), une mise en scène sophistiquée dont le tempo jazzy se gagne à coups de néons et de ralentis, une mélancolie cool pour enrober des petites leçons de vie naïves mais assumées. Le problème, c'est que Wong Kar-Wai ne cherche jamais à faire de ce voyage américain (pour lui, cinéaste chinois de Hong-Kong) un nouveau territoire pour son cinéma ; My blueberry nights est au contraire une greffe littérale de son style, de ses thèmes et de ses figures les plus reconnaissables. Le road movie espéré se transforme vite en classique film de cafés, chaque étape étant un "sketch" quasi-autonome (comme dans Chungking express), pendant que la comédie romantique rejoue l'amour à distance et la passion platonique (comme dans In the mood for love). À la limite, quitte à faire du Wong Kar-Wai, on aurait préféré voir le cinéaste prolonger son virage romanesque, si neuf et si courageux, entamé avec le colossal 2046. Mais My blueberry nights préfère jouer la sécurité et la passe en retrait, le chic plaisant plutôt que le choc émouvant.CC