Le Renard et l'enfant
de Luc Jacquet (Fr, 1h30) avec Noël-Bertille Bruneau, Isabelle Carré...
On s'est bien payé notre fiole quand on a écrit, à l'époque, tout le bien qu'on pensait de La Marche de l'empereur, précédent long-métrage de Luc Jacquet. "Le truc avec les pingouins qui parlent en voix-off poétique et la musique de la fausse Björk française ?". Rira bien qui rira le dernier quand les mêmes découvriront Le Renard et l'enfant... Celui-ci ne laisse guère de doutes sur le talent de cinéaste de Jacquet, même si on peste plus d'une fois pendant la projo en se disant que le résultat aurait pu être, sans mal, bien meilleur encore. Dès les premières images, Jacquet introduit une dimension épique inattendue à son récit, conte pour jeunes et moins jeunes sur une petite fille qui décide d'apprivoiser un renard sauvage. Quand il filme une poursuite entre un lynx et son "héros", le cinéaste livre une scène d'action époustouflante qu'aucun des nombreux polars français de cette année n'a été foutu de réussir ! Quand il envoie la petite dans une caverne pleine de stalagmites, puis en pleine nuit dans une forêt menaçante, il n'est pas très loin de l'imaginaire fantastique et inquiet d'un Guillermo del Toro. Et quand il choisit de faire basculer le film dans une violence et une cruauté sidérantes, on se souvient que déjà dans La Marche de l'empereur, la nature ne faisait pas forcément de cadeaux aux créatures qui la peuplent. Jacquet refuse de confondre film pour enfant et niaiserie régressive, mais regarde la mort en face, l'homme dans toute son ambivalence et l'animal sous toutes ses coutures. Pourquoi, mais alors pourquoi, éprouve-t-il le besoin d'alourdir ce regard si aiguisé d'une voix-off purement illustrative qui vient plomber régulièrement la rigueur de sa mise en scène ? En supprimant carrément le rôle d'Isabelle Carré, Jacquet aurait fait du Renard et l'enfant un grand film. En l'état, ce n'est déjà pas si mal, c'est juste l'œuvre attachante et émouvante d'un cinéaste vraiment prometteur.CC