L'île
de Pavel Lounguine (Russie, 1h52) avec Piotr Mamonov, Viktor Soukhoroukov...
Difficile d'appréhender le nouveau film de Pavel Lounguine sans évoquer l'engouement qu'il suscita dans son pays. Ou plus exactement la ferveur pieuse qu'il réveilla chez ses nombreux fans en mal de "repères moraux" - car L'île est un chemin de croix revisitant les dogmes orthodoxes, à travers le calvaire psychique du frère Anatoli, religieux atypique vivant en marge de son monastère. Les autres membres de sa congrégation voient d'un mauvais œil les facéties rhétoriques de ce doux cinglé au passé trouble, son refus des conventions, ainsi que les nombreuses visites qu'il reçoit du continent, de croyants persuadés qu'il possède des pouvoirs divins. Soyons franc : formellement, L'île est un film magnifique. Pavel Lounguine épure sa mise en scène pour mieux coller à son sujet, enchaîne des plans somptueux d'une nature ingrate, et pousse l'exploration de la matière sonore dans ses ultimes retranchements. Le casting est largement convaincant, et distille de discrètes touches d'humour en autant de respirations nécessaires à ce récit chargé (mais bon, en même temps, vu l'austérité de l'ensemble, un haussement de sourcil fait rire aux larmes). Là où le bât blesse dramatiquement, c'est au niveau du scénario, calvaire languide et répétitif, au ton sentencieux franchement dérangeant. Et ce dès la deuxième visite du frère Anatoli, par une jeune fille désirant se faire avorter. La violence avec laquelle le personnage est traité fait froid dans le dos, et oriente la lecture du spectateur dans le sens d'un prosélytisme malvenu, odieusement moralisateur. Le film s'achèvera d'ailleurs par une pirouette scénaristique assez grossière, émaillée d'un symbolisme appuyé entérinant ledit malaise. Et la réappropriation de L'île par ses nombreux défenseurs hardcore de témoigner d'un inquiétant désir de retour à une forme d'obscurantisme...FC