Reviens-moi
de Joe Wright (Ang, 2h03) avec Keira Knightley, James McAvoy...
Rendons une nouvelle fois grâce aux dĂ©cideurs de la distribution française. En changeant le titre original du film, ils ont courageusement dĂ©cidĂ© de se mettre Ă dos une partie du public potentiel (les lecteurs du roman Expiation d'Ian McEwan), d'Ă©vacuer la rĂ©flexion littĂ©raire au profit du racolage Ă l'Ă©motion («Et puis sans dĂ©conner, qui sait ce que ça veut dire "Expiation" ?»), et de surligner le romantisme Ă©chevelĂ© qui plombe le film en le dĂ©tournant de son rĂ©el sujet. Dans une demeure bourgeoise britannique, un Ă©tĂ© caniculaire de l'avant Seconde Guerre Mondiale, la jeune Briony surprend sa sœur Cecilia en compagnie de Robbie, le fils de la gouvernante. BlessĂ©e par cette vision, elle accuse Ă tort ce dernier d'un viol sur mineur commis quelques heures plus tard. Robbie purge quelques annĂ©es de prison avant de rejoindre l'armĂ©e pour "commuer" sa peine sur le front français, oĂą Cecilia n'aura de cesse de lui souffler en voix-off «Reviens-moi, reviens-moi, reviens-moi». Synthèse forcĂ©ment lapidaire de l'œuvre de McEwan, le film arrive de fait Ă sĂ©duire dans sa première partie, oĂą l'esthĂ©tisme dĂ©veloppĂ© par Joe Wright fait illusion. On se prend volontiers au jeu de cette friandise sucrĂ©e, gentiment Ă©rotisante, mâtinĂ©e d'un "soupçon" de perversitĂ©, et on fait abstraction des tics de rĂ©alisation. Un usage relativement pertinent des alternances de points de vue, une bande-son travaillĂ©e jusqu'Ă en devenir envahissante (la partition, sorte de score Ă la Philip Glass pour machines Ă Ă©crire, amuse puis lasse), Joe Wright compose une mise en scène aux Ă©chos mĂ©lodramatiques pesants, et s'Ă©carte ainsi de la force potentielle de son rĂ©cit. Impression confirmĂ©e par le virage narratif opĂ©rĂ© Ă mi-parcours, peinture peu convaincante des horreurs guerrières traversĂ©es par Robbie, plus proche du Patient Anglais (Anthony Minghella fait d'ailleurs une apparition en fin de film) que de La Ligne Rouge de Terrence Mallick, rĂ©fĂ©rence Ă©crasante citĂ©e Ă de maintes reprises. Le film tente de se raccrocher Ă son propos (le poids Ă©crasant de la culpabilitĂ© de Briony) en fin de parcours, au grĂ© d'un Ă©pilogue tĂ©lĂ©phonĂ©, tombant furieusement Ă plat. Trop tard : cette somme de partis pris prive Reviens-moi de la grandeur cinĂ©matographique Ă laquelle il aurait pu aspirer. François Cau