Tournis Gatlif
Musique / En ouverture de son édition 2007, Les Nuits de Fourvière accueillent Tony Gatlif qui passe avec enthousiasme du cinéma aux planches avec Vertiges, avec comme fil d'Ariane entre les deux son amour pour la musique tsigane.CC

Photo : (c) Michel Cavalca
Avec ses airs de Harvey Keitel, sa voix éraillée et son enthousiasme presque juvénile, il est juste impossible de résister à Tony Gatlif. On n'a pas aimé tous ses films (l'un d'entre eux est même un des rares à nous avoir fait fuir d'une salle de cinéma, le godardien Je suis né d'une cigogne), mais on aime sans condition le personnage expansif, intègre, entier et sans compromis. Le voilà aujourd'hui paré à essuyer les plâtres de sa première vraie expérience dans le spectacle vivant (il avait déjà approché la chose lors de la sortie de ses deux derniers films, mais sans l'ampleur et la préparation du spectacle de Fourvière). Le trac ? Non, au contraire, il n'hésite pas à dire qu'il ne s'agit que d'un prolongement de certains de ses opus filmiques, le triptyque Latcho Drom, Vengo et Transylvania, en particulier. D'ailleurs, on le sent, ce spectacle, il l'a fait avec le cœur de celui à qui l'on offre un nouveau jouet (un beau théâtre romain et la possibilité de le peupler de tous ses coups de cœur du moment) et l'application de celui qui, malgré tout, sait qu'on l'attend au tournant. Du tournant au tournis, il n'y a qu'un pas de danse que l'ami Gatlif a décidé de faire moitié flamenco, moitié derviche. Vertiges, c'est le titre et c'est aussi le programme pour le spectateur : 40 musiciens, chanteurs, danseurs venus de tous les pays d'Europe (et même du Maghreb), portés par leur jeunesse (une des conditions posées par Gatlif au moment du casting) et leur manière décomplexée de prolonger et d'enrichir un héritage, celui de la musique tsigane.Montée au cielGatlif le sait : ces musiciens-là ne sont pas du genre à suivre une partition, à respecter des marques au sol ou à tenir un timing d'enchaînements précis. Alors le metteur en scène sera sur la scène, sur la piste devrait-on dire, et donnera ses consignes en direct. Mais cela ne veut pas dire que l'improvisation règnera sur le plateau... Déjà parce que Gatlif a avant tout pensé le spectacle à travers sa vision, très personnelle, de l'histoire de la musique gitane : la musique soufie d'abord, puis le flamenco, puis l'hybridation avec les traditions et instruments orientaux, et enfin la transe des Balkans. Voyage des pratiques, des morceaux et des musiciens : cette histoire-là s'est écrite en marchant, dans un mouvement qui est autant spatial que temporel. Ensuite, il l'a rêvé avec des dessins, des images, des trajectoires scéniques, lui qui est aussi autodidacte que les membres de sa troupe éphémère. Et finalement, il l'a senti comme une grande montée en puissance, quelque chose qui se soulève du sol rouge et ocre et va toucher les corps et les cœurs du public. En fait, la transe recherchée par Gatlif, c'est déjà la sienne quand il parle de cette aventure. Espérons alors que ce soit aussi la nôtre...VertigesAux Nuits de FourvièreVendredi 8 et samedi 9 juin