Lecomte à rebours

par JED
Mercredi 17 janvier 2007

Expo / À rebours du trop lisse et du trop-plein d'images contemporains, Frédéric Lecomte évide, découpe, blanchit un univers visuel surréaliste, érotique et drolatique.Jean-Emmanuel Denave

Photo : Dans l'aube d'Eve

Caverne platonicienne ou miroir aux alouettes : décrire le monde contemporain comme un village médiatique saturé d'images est presque devenu un cliché. Au-delà, il faudrait rendre compte de la (non) substance de ces images à rotation rapide, volatiles, éphémères, lisses, uniformes : poudre de pixels, simulacres en apesanteur, fantômes numériques détachés de tout référent réel, bain numérique où l'on se noie d'illusions. C'est sans doute de ce territoire et de cet état des lieux que part Frédéric Lecomte, artiste parisien né en 1966 à Amiens. Sa matière de création est en effet constituée de l'image elle-même, de ses flux et de ses délires, comme d'autres créent à partir du marbre, du bois, du bronze ou du pigment. Images anonymes ou images connues que Frédéric Lecomte pille, interrompt, découpe, cisaille, remonte, colle, réanime sur toutes sortes de supports (vidéo, verres sablés, photographies numériques, miroirs, papier, petites installations...). Un vrai gosse qui, à l'aide d'une paire de ciseaux mentale, déconstruit le monde pour en tirer des rébus visuels, des vidéos surréalistes et tout un théâtre optique tour à tour humoristique, cruel, érotique voire franchement pornographique.Tour de mainLa main est un motif central et récurrent dans les œuvres de Lecomte : mains au cul ou à la pâte, jeux de mains jeux de vilains, main qui érotise ou bien menace, agrippée à la crosse d'un revolver... Pourquoi la main ? Peut-être parce que l'artiste, même s'il utilise l'informatique, reste fondamentalement un artisan et un bricoleur. Peut-être aussi et surtout parce que la main redonne la mesure (humaine) du réel, désigne ou fait toucher du doigt, réincarne quelque peu un monde visuel aujourd'hui totalement désincarné. Lecomte concentre d'ailleurs son univers artistique sur deux thématiques universelles et archaïques : le sexe et la mort. D'où une série superbe de verres sablés représentant un baiser comme deux surfaces blanches presque abstraites se rapprochant peu à peu, une Eve de magazine féminin croquant une pomme et superposée à son propre et inquiétant squelette, une vitre qui éclate sous l'effet d'un coup de feu fictif, un cerveau composé d'entrelacs d'images évidées représentant des filles dans des positions érotiques... L'artiste atteint des sommets d'inventivité dans ses œuvres vidéos projetées au sous-sol de la galerie : véritables danses de Saint-Guy d'ombres, de silhouettes, de corps découpés, de citations pornographiques, de corps évanescents et tordus en tous sens, tirés à la base de films d'auteur et d'images d'actualité. Avec brio, l'artiste moud les images de la guerre et de l'amour pour en relancer la ronde effrénée, un carrousel à la fois effrayant, drôle et érotique. Frédéric Lecomte, «Une entorse au mouvement»Jusqu'au 13 janvier à la galerie José Martinez, 28 rue Burdeau Lyon 1er. (04.78.28.07.72)