Sauter sur l'occasion

Photo : (c) F. Desmesures
Théâtre / Parmi les premières surprises de la saison théâtrale, il y a ces drôles d'insectes mis en scène par Dominique Pitoiset, directeur du Théâtre national de Bordeaux. La jeune auteur de Sauterelles, Biljana Srbljanovic, parle du Belgrade d'aujourd'hui, de ceux qui y habitent avec humour et cruauté. Elle dresse des portraits corrosifs que résument assez bien le titre et le metteur en scène : «pris individuellement, ces personnages sont quelconques, mais ensemble, c'est une catastrophe ». En dix-huit petites fables qui se succèdent au rythme des changements de décors montés sur rail, le spectateur entre dans l'intimité des acteurs d'une société en panne, ceux «qui attendent un train qui ne repassera pas». Impossibilité à communiquer, dialogue impossible entre les générations, trentenaires déjà vieux, qui n'ont rien accompli et n'accompliront probablement rien... On rit ou grimace face à ces petits monstres qui se débattent dans un monde où la médiocrité tire la bourre à la laideur : le fils gay abandonne son père incontinent sur une aire d'autoroute pendant qu'une petite fille tyrannise son grand-père et que sa mère se demande comment dépouiller le vieux... La barbarie n'est pas loin. Dominique Pitoiset pose un regard de cinéaste sur ses personnages : «j'ai choisi les comédiens comme si j'avais fait un film. En toile de fond, j'ai voulu diffuser des images de Belgrade, prises par une webcam. Je veux un théâtre immédiat». Le résultat peut ressembler à une sitcom de luxe, portée par des comédiens incroyables. Un regard aussi lucide sur le monde et un hommage aussi cruel aux générations perdues et à tous ceux qui auront vécu pour rien, on n'en croise pas si souvent sur les planches. Et ce serait bien dommage d'y échapper.Dorotée AznarSauterellesAu Théâtre de la Croix-RousseDu 10 au 13 janvier