Dans le club (de jazz)

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Mercredi 29 novembre 2006

Coup de maître / Pour raconter une bonne histoire, il faut de bons personnages, un décor crédible, des péripéties, de l'humour et, surtout, un sacré narrateur. Sur tous ces points, il ne fait aucun doute que Lipopette Bar d'Oxmo Puccino est une vraie réussite. Sauf qu'il ne s'agit ni d'un livre, ni d'un film, mais bien d'un concept album que ce rappeur atypique a confectionné avec le soin qu'on était en droit d'attendre de lui. En général, ce type de projets se rétame sur deux points précis : soit on ne comprend rien à l'histoire (ou on s'en fout), soit les chansons perdent de leur efficacité à force de vouloir s'intégrer à l'ensemble de la narration. L'histoire est certes du genre tarabiscoté, mais elle reste suffisamment ludique et bien troussée pour donner envie de se plonger dedans : une apprentie chanteuse se présente à un casting façon nouvelle star du r'n'b, se fait recaler, puis doubler par sa cousine qui l'accompagnait ce jour-là. Ladite cousine, devenue vedette planétaire, tombe amoureuse d'un petit malfrat qui rêve de se ranger et de racheter un rade nommé Lipopette Bar. Mais le malfrat fait le coup de trop et se fait descendre par un flic désabusé. «Perdre et gagner», dit le premier titre de l'album ; «quoi qu'il en soit, on est toujours dans la merde...», ajoute Oxmo plus tard, livrant la morale de son récit, pour deux morceaux qui par ailleurs tiennent tout à fait la route sortis de leur contexte. Oxmo est un drôle de type, capable d'inspirer le respect au milieu très fermé du rap français comme aux intellos les plus pointus (Jacques Doillon, monsieur chiant du cinéma français, lui avait ainsi confié la bande-son de Petits frères) ; en interview, il est parfois difficile de lui faire aligner deux phrases pertinentes d'affilée alors que ses textes font preuve d'une sophistication appréciable pour du rap hexagonal ; et pour ce disque marqué par l'ambiance des films noirs et des clubs interlopes, où il a essentiellement travaillé avec un orchestre de musiciens venus du jazz, il dit avoir été inspiré par... le DVD de Charles Aznavour ! Sacré Oxmo, va !CCOxmo Puccino«Lipopette Bar» (Blue NoteEMI)