L'autre "cinéma du réel"
Regard / Aux côtés des sempiternelles comédies grand public, le cinéma humoristique américain se voit gangrené par un souffle libertaire aux relents excessifs. Ne nous faites pas dire l'inverse : les hérauts d'un humour jusqu'au-boutiste ont toujours été présents dans la production "alternative" hollywoodienne, mais rarement avec un tel engouement public. Premier vecteur de ce nouvel élan, la petite lucarne a pour beaucoup contribué à la prime renommée de ces stars improbables. À travers des émissions quasi institutionnelles (telles que le fameux Saturday Night Live, dont Will Ferrell constitue le parangon de réussite le plus évident - son Talladega Nights est l'un des grands succès de l'année aux États-Unis), mais aussi avec la prolifération incontrôlable des chaînes câblées, où tous les écarts au sacro-saint grand public sont autorisés voire encouragés. Fers de lance de cette liberté de ton extrême, les grands tarés de Jackass se sont retrouvés cette année pour un deuxième opus filmique où les limites du raisonnable sont bien évidemment bafouées. Exhibition permanente, inclination récurrente pour toutes sortes de pénétrations anales, masochisme poussé jusqu'au vertige, Jackass II ne sort de l'exercice de style doloriste désespéré qu'en de rares occasions pour se confronter avec impudence aux travers des États-Unis : on exalte le ressentiment global vis-à -vis de tout ce qui sort de la "norme" (étrangers violents, nains hargneux, petits vieux orduriers...), ou on fait peur à son pote en le confrontant à un simili terroriste. Pire, les britanniques de Dirty Sanchez testent pour leur première aventure cinématographique les frontières de l'humainement supportable sur un écran. Sous couvert d'une exploration des sept péchés capitaux, ces joyeux imbéciles offrent aux spectateurs les plus courageux une véritable expérience repoussoir, un bréviaire de tortures infligées volontairement (tatouage du pénis, liposuccion sans anesthésie, ingestion des graisses liposucées...). Sur un créneau a priori similaire (la faux documentaire à la mise en scène sciemment approximative, visant le rire à tout prix), Borat fait en comparaison preuve d'une intelligence réflexive autrement plus aboutie, en dépit de son statut d'improbable bâtard culturel, engendré par les dérives de la télévision ne contrôlant plus ses trublions.FC