De fesses diverses en faits divers

par JED
Mercredi 8 novembre 2006

Expo / Dans le cadre de Lyon Septembre de la Photographie, l'exposition collective au Rectangle, largement consacrée aux jeunes talents, est l'une des belles surprises du festival .Jean-Emmanuel Denave

Photo : Christian Buffa

Au Rectangle, pour attirer le chaland, les organisateurs proposent une attraction : le making-off vidéo du travail de Spencer Tunick qui avait défrayé la chronique l'an passé en photographiant des centaines de Lyonnais nus en pleine ville. Voyeur comme tout un chacun, nous l'avons regardé de but en rose afin de découvrir l'anatomie de quelques collègues et connaissances aux sourires un peu crispés. Amusant bien sûr. Pour le reste, c'est assez désolant : un monceau de corps agglutinés et pataugeant dans la mélasse, qui obéit à un type hurlant ses consignes dans un porte-voix ("tournez-vous !», «levez la jambe !»...). Chair rose décorative et stakhanoviste sous une lumière crue qui s'avère tout sauf érotique, et à laquelle on préfèrera les clair-obscurs ambigus des jeunes photographes exposés. Notamment, les trois nocturnes captivants d'Olivier Metzger, où l'Arlésien remet en scène après coup des «images» surprises au hasard de ses déambulations urbaines. D'une nuit opaque et quasi monochrome, se détachent : le halo lumineux étrange d'une voiture esseulée, un trio d'arbres fantomatiques ou un groupe d'adolescents glandouillant sur un trottoir... Le coup de la lapineSur les traces de Philip Lorca diCorcia, Géraldine Lay photographie quant à elle Rome de jour, mais en flirtant avec ses pénombres et sa part d'obscurité. L'une de ses photographies est particulièrement forte : des flics et des types en costumes et lunettes fumées s'affairent aux abords d'une entrée d'immeuble ténébreuse, telle une grande bouche d'ombre menaçant d'avaler les personnages... À proximité, notre protégé lyonnais Julien Guinand lorgne ostensiblement vers la peinture classique avec sa série des Tireurs (couleurs brunes et rais de lumière léchant de biais les corps à la Rembrandt). Soient cinq portraits de garçons et de filles à un stand de tir à la carabine, saisis dans des moments d'intense concentration et de suspension du temps. On peut y voir une métaphore de l'acte photographique... Christian Buffa tire à vue lui aussi en shootant au flash (avec la brutalité et la frontalité d'un Weegee) des femmes mûres attifées de robes froufroutantes et dansant dans une improbable boîte de nuit corse. Epinglant ainsi des gueules étonnantes... On reste encore dans l'échange de balles ou de coups avec Delphine Balley qui présente une image tirée de sa série Histoires Vraies (exposée plus largement au Bleu du Ciel : à ne pas manquer !). La jeune Lyonnaise a reconstitué des faits divers réels à travers des mises en scènes à la fois drôles, inquiétantes et mimant la peinture. Au Rectangle, elle a choisi d'illustrer le fait suivant : « M. Collini élevait des lapins au grenier. La police y trouva aussi Maria, sa maîtresse découpée en seize morceaux. «C'est Alexandrine, expliqua-t-il, ma lapine préférée, qui me l'a ordonné».» Mesdemoiselles, méfiez-vous des types n'écoutant que leur lapine !Lyon Septembre de la PhotographieExposition collective au Rectangle, Delphine Balley, Histoires VraiesAu Bleu du Ciel Jusqu'au 4 novembre.