Matt la main chaude

Mercredi 18 mai 2005

Musique / À peine remis du passage de Flotation Toy Warning, le Sirius accueille un plateau de rêve : Calc, Morning Star et M Ward. Gros plan sur ce dernier et son folk à fleur de peau.Emmanuel Alarco

Il y a quinze jours, on vous parlait d'un autre Mathieu (Boogaerts), de la chaleur de son jeu de guitare, de sa voix et de l'atelier d'artisan que laissaient entrevoir ses compositions délicates. Eh bien gardez le prénom (avec une légère nuance anglo-saxonne tout de même), la guitare, la voix et tout le tralala, vous obtiendrez un début de portrait seyant à merveille à ce cher Matt Ward. Du fin fond de son Oregon, l'ami des stars underground (Cat Power, Grandaddy, Bright Eyes...) partage avec son lointain cousin français un goût certain pour les ambiances ouatées tissées au millimètre et un talent évident pour le murmure apaisant. Mais pas seulement, car si le gars Ward n'a pas son pareil pour caresser sa six cordes comme on effleure le corps de sa douce, il sait aussi lâcher les chevaux et faire monter l'adrénaline lors de joutes électriques endiablées, parachevant ainsi sa délicieuse tendance à faire de la musique comme on fait l'amour. Ou comme on le défait, ce qui visiblement fut le moteur de son précédent album, l'inoubliable Transfiguration of Vincent, ouvertement conçu pour "garder la perte vivante et derrière lui" (faire le deuil quoi !), à grands coups de riffs de la dernière chance et de complaintes fragiles.Nouveau westernDeux ans après, l'apparente quiétude se dégageant de Transistor Radio (Matador/Beggars) laisse à penser que la tempête a cessé et que notre héros est parvenu, à la force de sa musique, à tourner la page : "J'aime bien cette interprétation, confirme-t-il, c'est une assez bonne vision de ce qui peut se passer dans ma tête ou dans ma vie. J'aime beaucoup l'idée que mes disques soient très liés à mon intimité". Nous aussi. En étant ainsi connecté à ses émotions les plus profondes, M Ward n'a pas son pareil pour se lover au creux de l'oreille avant de se frayer un chemin direct jusqu'au palpitant. Seules deux années ont passé mais la voix, plus chaude et bouleversante que jamais, semble avoir pris dix ans ; quant à la guitare, on croirait l'entendre respirer. C'est d'ailleurs elle qui ouvre le bal avec une reprise instrumentale d'un des plus grands morceaux des Beach Boys (You still believe in me), prélude à une première partie d'album tout en retenue, culminant avec Fuel for fire, sublime berceuse pour cow-boy solitaire pas si malheureux que ça. Seulement voilà, le cow-boy ne trouve pas le sommeil et cela donne Four hours in Washington, cavalcade haletante sonnant le réveil des troupes pour un cœur de programme (radiophonique) des plus débridés. Les potes Howe Gelb et Vic Chesnutt viennent prêter main-forte, John Parish en personne tabasse deux, trois fûts et en deux temps, trois chansons l'affaire est entendue. Le surplus d'énergie évacué, M Ward peut alors retrouver sa fidèle monture et nous gratifier d'un atterrissage en douceur sur un final apaisé qui voit son folk sans âge rentrer au bercail, serein et sans un mot dans une étonnante relecture du Clavier bien tempéré de Bach... à la guitare ! Coucher de soleil, fondu au noir... The End.M Ward, Calc & Morning StarJeudi 12 maiAu Sirius