Impression cinéma levant

Mercredi 18 mai 2005

Expo / Avec Impressionnisme et naissance du cinématographe, le Musée des Beaux-Arts et l'Institut Lumière font apparaître en transparence ce qui, de l'invention des frères Lumière à la révolution des peintres impressionnistes, unit et sépare deux arts, la peinture et le cinéma.Christophe Chabert

À l'heure où l'on ne cesse de vanter le rapprochement entre les arts et les hybridations entre les disciplines, l'exposition Impressionnisme et naissance du cinématographe au Musée des Beaux-Arts vient opportunément rappeler que cette "transversalité" ne date pas d'aujourd'hui, tout en soulignant à quel point elle est avant tout affaire d'influence souterraine et de rapports inconscients dictés par l'époque. Affaire de famille aussi : au XIXe siècle finissant, c'est avant tout par une question d'hérédité que le cinématographe et la peinture moderne se croisent. Les frères Lumière, inventeurs infatigables, reprennent à leur manière le flambeau familial, celui d'Antoine Lumière, photographe et peintre "classique" un peu éclipsé par l'apparition de l'impressionnisme. Claude Monet entraîne ainsi dans son sillage toute une école cherchant à bouleverser le rapport de la peinture à l'espace et au temps, cherchant par une technique nouvelle à reproduire la vibration du réel. Une peinture qui témoigne aussi de son époque, du trivial (scènes de famille ordinaire) au social (le basculement dans une société industrialisée). À 20 ans d'écart, les frères Lumière font le même chemin : donner l'illusion du mouvement et conserver une trace de leur monde, puis du monde dans son ensemble, telles sont les deux pierres angulaires de la naissance du cinématographe.Le champ des possiblesL'exposition du Musée des Beaux Arts fait apparaître ses parallélismes avec une clarté indiscutable. Pédagogique dans son approche, ludique dans sa scénographie, elle offre d'un côté quelques tableaux emblématiques de l'impressionnisme (Pïssaro et Monet étant les deux artistes les mieux "servis"), de l'autre les prodigieuses vues lumières, projetées en numérique sur les murs, dans des dispositifs qui font ressortir leur inépuisable richesse. Saynètes anecdotiques, paysages urbains (de Lyon à Venise), ferroviaire (les fameuses "arrivées en gare"), industriels (incroyables vues sur des puits de pétrole) et même petites fictions (la série Footit et Chocolat) : le cinématographe chemine à côté de la peinture, avant que leurs routes ne se séparent sous l'impulsion de désirs contraires (plongée dans l'abstraction d'un côté, échappée vers la narration de l'autre). Il est cependant une "rime" que l'exposition ne souligne pas, mais qui pourtant frappe lorsque l'on s'y immerge : ce qui rapproche les Lumière et les impressionnistes, c'est l'envie de remplacer la perspective par la profondeur, comme si l'œil du peintre et celui du cinéaste cherchaient ensemble à isoler une partie du réel et la livrer toute entière dans sa netteté et sa profusion au regard du spectateur.Impressionnisme et naissance du cinématographeAu Musée des Beaux-ArtsJusqu'au 18 juillet