Domination et résistance, corps à corps
Danse contemporaine / Maguy Marin reprend "Les applaudissements ne se mangent pas", pièce créée en 2002, chorégraphie âpre et cinglante des rapports de force et de domination.

Photo : ©JP MAURIN
Un immense rideau aux lamelles multicolores cerne une scène nue. Là, surgissent puis disparaissent, en très courtes séquences, huit interprètes qui... se cognent, s'affrontent, se toisent férocement, se fuient, se poursuivent. Ce sont des corps aux gestes et aux trajectoires sans cesse empêchés par l'autre, qui butent sur autrui devenu obstacle plutôt que partenaire. Le rapport de pouvoir est partout et l'étreinte clandestine. Les espaces de liberté sont si étroits qu'ils n'autorisent l'expression personnelle que sous forte tension et de manière bien trop éphémère. On dirait presque un bain de particules qui ne cessent de s'entrechoquer sans jamais (ou si rarement, si rapidement) pouvoir s'agréger. Les rencontres sont lapidaires, les portés se démontent aussi vite qu'ils se montent, les courses sont arrêtées mais... ça résiste, ça recommence, ça persiste et ça s'entête quand même !
Grinçant
Si Maguy Marin est coutumière de pièces aussi engagées que dérangeantes, celle-ci est particulièrement glaciale et cinglante par sa gestuelle. Sans compter la musique de Denis Mariotte qui fait souffler sur scène toutes sortes de bruits industriels et grinçants, parfois à la limite du supportable. Créée lors de la Biennale de la danse de 2002 consacrée à l'Amérique latine, la pièce dénonçait alors la violence des dictatures sud-américaines ; reprise aujourd'hui avec de jeunes danseurs, elle affronte les violences du néolibéralisme financier : « Huit danseurs - huit êtres humains - jouent de tensions pour essayer d'en dégager ce qui contribue, de la complexité à l'indifférence, à nous faire croire que tel est le destin du monde, un monde où la réussite de quelques-uns fait face à "l'impuissance" de plusieurs milliards d'autres, et qu'en effet, malgré les bons points distribués aux bons élèves par la finance internationale épuisant les luttes et ruinant les populations, les applaudissements ne se mangent pas », écrit Maguy Marin dans le dossier de presse.
Les applaudissements ne se mangent pas
Du 6 au 7 novembre 2025 à la Maison de la danse (Lyon 8e) ; de 14 à 35€