Secousse royale

par
Mercredi 9 février 2005

Critique / La royauté n'est plus ce qu'elle était : parti se faire élire roi de Pologne, le futur Henri III s'ennuie ferme. Plus royaliste que le roi, à la suite d'un embrouillaminis amoureux, il va ourdir une conspiration contre... lui-même. La royauté du XVIe siècle remixée par les quiproquos du vaudeville, voilà le thème de cet opéra comique de la fin du XIXe signé par ce boute-en-train sympathique qu'était Chabrier. Évidemment, cette intrigue au deuxième degré et à trois siècles d'écart vaut avant tout par la mise en scène, et au moins pendant la première partie, Laurent Pelly s'en donne à cœur joie. À partir d'un plateau déconstruit sur fond noir, il fait intervenir dans la plus grande allégresse des bouts de décor qui sont autant de parenthèses poétiques (un escalier par-ci, des lustres par-là, une lune par-ci, un rideau de nuages par-là), avec une succession de tableaux collectifs rendant hommage à la peinture fin XIXe : la blancheur des visages et les pourpres ou la première apparition en dandy haut de forme du roi sont autant d'inspirations tout droit sorties d'un Manet qui peignait à l'époque Rimbaud et Verlaine en vestons noirs. Si le mélange de flamboyance et de bric et de broc cher à Pelly fait toujours merveille dans la comédie, lorsque l'intrigue commence à patiner et que la musique de Chabrier se fait plus sérieuse, la mise en scène s'éclipse lorsqu'elle aurait été la plus nécessaire. Comme si le système Pelly ne pouvait fonctionner qu'au deuxième degré et s'avérait impuissant à faire exister ses personnages autrement que par les situations. Comme si aussi le regard du metteur en scène vis à vis de cet opéra manquait un tant soit peu d'authenticité, malgré deux superbes séquences en deuxième partie : la valse endiablée de la noblesse et les gondoles à Venise, simulées par deux estrades mobiles, chacune portant un amant tentant de rejoindre l'autre... Heureusement, malgré un couple central un peu falot, les voix de Laurent Naouri et Yann Beuron, par ailleurs très bons comédiens dans les parties dialoguées, font merveille, et la direction d'orchestre d'Evelino Pidò est tout simplement... impériale. LHLe Roi malgré luiÀ l'Opéra jusqu'au 8 mars