Flamands flamboyants
Théâtre / Le collectif TG Stan a pris possession du Point du Jour pendant deux semaines, à la conquête des spectateurs avec deux spectacles qui balaient le spectre de leur énorme talent.Christophe Chabert
Honte sur nous et nos frêles épaules critiques ! Nous avons lamentablement loupé l'an dernier Tout est calme, premier spectacle signé TG Stan à atterrir sur nos terres lyonnaises. Devant l'accueil enthousiaste réservé à la troupe, le remords nous guettait. Heureusement, le Point du Jour nous offre une chance d'expier nos tourments en invitant à nouveau ce collectif flamand sur sa scène pour présenter non pas un, mais deux spectacles.Marathon narratifAu sortir d'En quête, solo impressionnant de Franck Vercruyssen, on comprend tout de suite les motifs de l'engouement. On dit "solo", mais la troupe tient profondément à abolir cette personnalisation-là , lui préférant l'idée de création collective. En fait, TG Stan cherche à abolir toutes les contraintes et tous les préjugés théâtraux. C'est ainsi qu'au début d'En Quête, Vercruyssen se moque allègrement de sa scénographie ("les quatre chaises bleues" dans un coin, juste parce qu'un des textes qui composent le spectacle s'intitule ainsi), explique qu'il porte un micro parce qu'il ne veut pas forcer sa voix et que les spectateurs peuvent l'interrompre à tout instant pour lui demander de passer un disque. Bing, dans le quatrième mur ! Cette ouverture rappelle celle de Mnemonic, spectacle-étalon de Simon Mac Burney vu au TNP il y a 2 ans. Mais là où Mac Burney embrayait sur un théâtre spectaculaire dans ses méthodes mais traditionnel dans son approche, Vercruyssen continue trois heures durant d'inclure le public dans son "show". Fort simplement d'ailleurs : la colonne vertébrale d'En Quête est un texte de Max Frisch entièrement constitué de questions à l'adresse du spectateur, interrogations futiles ou essentielles sur l'amour, l'amitié, Dieu, la mort ou le sens de l'humour, dont l'énumération provoque alternativement le rire et la mélancolie. Sur cette échine magnifique, TG Stan insère avec subtilité de courts récits écrits par Kureishi, Carver ou Tchekhov, petites fables sur la lâcheté quotidienne, l'égoïsme ou le renoncement dressant une vision lucide et pessimiste du monde contemporain. Subtil certes, mais jamais virtuose : Vercruyssen se trompe, se reprend, s'interrompt, privilégiant l'émotion à la performance. En Quête se pose en déclaration d'amour à la narration dans ce qu'elle a de plus essentiel : un homme se donne entièrement aux histoires qu'il raconte avant de les offrir généreusement à ceux qui l'écoutent. Vercruyssen nous emmène alors où il veut, y compris sur un chemin nettement plus contestable (une dernière heure qui enfonce la porte ouverte de l'anti-américanisme par un bombardement intensif de faits et de chiffres sur le coût de la guerre avec pilonnage dub en fond sonore). Ce désir de raconter, de jouer avec le public, de jouer tout court a poussé TG Stan à compresser quatre pièces de Molière en 2h30 dans Poquelin. Cette fois-ci, ils sont tous sur scène. Cette fois-ci, ils visent ouvertement le burlesque. Et cette fois-ci, il ne faudra pas rater le rendez-vous.Poquelinde TG Stan, Au Point du Jour jusqu'au 11 décembre. 2h30.