Magic Johnson
Musique / Aussi précieux que rare, régulièrement oublié par les distributeurs et les programmateurs mais toujours fidèle à Lyon, Piano Magic se dégustera cette semaine avec d'autant plus d'entrain. Stéphane Duchêne

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Le terme «groupe culte» désigne généralement un groupe à la réputation sans faille, flanqué d'un noyau de fans fidèles, sans bénéficier pour autant d'une audience élargie : le groupe génial que peu de gens connaissent de son vivant mais qui ne vieillira jamais. Le londonien Glen Johnson, leader et âme de Piano Magic, y ajoute une variante que la déliquescence de l'industrie musicale impose, craignant que sa formation à géométrie de moins en moins variable (il s'est entouré durablement d'une poignée de Français) ne devienne, plus qu'un petit groupe culte : «le groupe invisible». Soit le prototype de formation dont le dernier album est toujours vachement bien, mais si mal distribué et si peu programmé qu'on finit par remettre en cause son existence. Piano Magic, modèle d'alchimie musicale gagnerait à être connu, mais sa dizaine d'albums, la plupart impeccables, n'ont pas su lui donner une visibilité. Que ce soit dans la presse, notamment britannique, étrangement mutique à son sujet, ou, inutile de le préciser, auprès du grand public. Sur l'un des titres de son dernier album, Part Monster, Piano Magic Johnson constate : «But now you're missing from the history / Now you're missing from the tapestry / And there's a shadow where you used to be / The king cannot be found». Le roi est tellement nu que c'est l'homme invisible, obligé de vagabonder de label en label, au gré de leur bon vouloir ou de leur mauvaise volonté, et de ramer comme un d'Aboville éreinté pour mettre sur pied une tournée française de... quatre dates. Tours de passe-passe Il faut dire que Johnson et Piano Magic ont toujours marché à côté des podiums de la mode rock, traçant une trajectoire qui ne doit rien à personne : d'un rock ambient, volontiers électronique ou post punk à cet exercice plus pop et batailleur, toujours empreint de new wave (les morceaux The King Cannot be Found ou The Last Enginer, comme évadés de chez The National). Car le magicien Johnson n'a de cesse de vouloir donner de l'air à sa production (Great Escapes, échappé belle post-rock qui échappe, justement, au post-rock) et du «prestige» à des textes travaillés comme autant de tours de passe-passe poétiques. Ménageant, au milieu de la tension à l'œuvre sur la plupart des morceaux, des pauses féminines et diaphanes, confiées à Angèle David-Guillou (aka Klima). Lui qui a toujours multiplié les collaborations sur ses albums, travaillant dans l'effacement jusqu'à y déléguer régulièrement le chant, confie parfois ce fantasme d'arrêter un jour de jouer dans son propre groupe, de laisser la place à ses acolytes français. Manière de matérialiser une bonne fois pour toutes son invisibilité, ce vieux rêve effrayant de magicien contrarié. PIANO MAGIC + KLIMAAu Sonic, jeudi 6 décembre«Part Monster» (Green Ufos / Discograph)