Rhésus positif

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Mercredi 13 septembre 2006

critique / Le premier roman d'Héléna Marienské fait figure d'ovni dans la littérature française. Par son inventivité, sa férocité, son humour et l'intensité de la surprise finale, Rhésus déroute à plus d'un titres. Narré par plusieurs voix, le texte se scinde en 6 chapitres, Selon Raphaëlle, Selon Céleste, Selon Ludovic, Selon Dhorlac, Selon Witold et Selon Moi, qu'on avale quelque fois en s'étranglant. Autant de personnages semblant être les survivants d'événements "historiques". Les faits : dans une maison de retraite de la banlieue parisienne aujourd'hui, des retraités retrouvent libido débridée, s'adonnent à l'amour sans limite, refusent médicaments, exigent plaisir de bouche et de chair et soulèvent pléthore de tabous. Le microcosme hétéroclite décide de vivre pour mieux mourir. Mais la société (corps médical, famille, état) choquée s'en s'offusque, et veut taire au plus vite cette belle équipe haute en couleurs. L'opinion publique, elle, n'est pas du même avis. La guerre s'amorce : une Odyssée trépidante entre éros et thanatos à laquelle se joint Rhésus, un bonobo à la botte des retraités résistants. Farce politique maîtrisée (on y croise les figures des ministres Sinusy et De la Cour du Pin, d'un académicien amoureux, d'un producteur de télé cynique et de personnages attachants comme Hector et ses sbires, d'anciens communistes), dénonce les dérives de notre société voyeuriste, déshumanisée, plus sauvage qu'un primate prodiguant moult gestes d'amour. Par les différentes plumes (deux narrateurs sont écrivains), Marienské décrit avec virtuosité des personnages rocambolesques, acteurs de batailles non moins épiques et farfelues. Au plaisir de ses mots et de son imaginaire se superposent sa vision, son anticipation de notre monde : l'univers y est lynchien, glaçant. SD Rhésus d'Héléna Marienské, POL