Trente ans de réflexion

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Expo / RÉFLÉCHIR, oui l'art réfléchit, et ce aux deux sens du terme : il peut être le simple miroir d'un état du monde (voire son symptôme : une certaine scène artistique clinquante pour une société frivole s'enivrant du tout spectaculaire), mais il peut aussi et surtout réfléchir sur le monde, y mettre son grain de sel, changer les perspectives et les normes de visibilités, creuser des failles et provoquer des courants d'air.C'est ce sillon qu'a choisi de suivre depuis 1978 l'Institut d'art contemporain... Pour fêter les trente ans de l'IAC, Jean-Louis Maubant a sélectionné onze artistes parmi les 140 présentés à l'IAC, onze grands noms emblématiques de la politique artistique du centre d'art. Et l'exposition Ambition d'art se révèle tout simplement somptueuse et l'une des plus passionnantes de l'année ! Elle s'ouvre sur une des «Cabanes éclatées» de Daniel Buren, architecture labyrinthique et multicolore, visant à perturber, comme toujours chez Buren, les repères et les habitudes visuelles du visiteur. Elle se poursuit avec les expériences conceptuelles et poétiques sur le temps d'On Kawara à travers ses «Date Paintings» (peintures de dates), l'art sobre et libertaire d'Alighiero Boetti, les dessins et les sculptures en fibre de verre aux formes improbables de Tony Cragg...
Chacune des onze salles propose une expérience singulière de perception et de pensée, et certaines s'avèrent particulièrement puissantes : celles consacrées aux immenses photographies de Jeff Wall, aux effractions poétiques et plastiques d'Anish Kapoor, aux photomontages de Martha Rosler passant nos mœurs politiques et sociales au vitriol, aux œuvres hétéroclites de Luciano Fabro. On a aussi le plaisir de redécouvrir l'artiste espagnol Jordi Colomer, présenté à l'IAC en 2004, avec deux productions récentes, dont un ensemble de 33 photographies documentant un cimetière chilien en plein désert, où chaque tombe est recouverte d'une architecture personnalisée. Petites maisonnettes improvisées et «architectures sans architecte» qui ne pouvaient laisser indifférent cet anar-tiste secouant le théâtre du monde contemporain, ses décors, ses représentations, ses normes architecturales et sa phraséologie.
Jean-Emmanuel DenaveAmbition d'artÀ l'Institut d'art contemporain de VilleurbanneJusqu'au 21 septembre