Cinémas en chantier

Vendredi 6 février 2009

Débat / Ouverture d'un nouveau multiplexe, développement du numérique et de la 3D, inauguration des studios Lumière à Villeurbanne, lancement du festival du Grand Lyon : 2009 pourrait être l'année de toutes les mutations dans les salles lyonnaises.Christophe Chabert

En 2008, trois événements avaient marqué la vie du cinéma à Lyon : l'ouverture des 14 salles du Pathé Vaise dans le neuvième arrondissement ; le passage du méga CGR de Brignais à la projection numérique ; et la justice déboutant UGC de son action contre le Comœdia. Trois séquences qui, aujourd'hui, préfigurent le grand chambardement qui s'annonce dans les salles lyonnaises en 2009. En apparence, les enjeux sont variés, anecdotiques ou plus essentiels, purement locaux ou reliés aux transformations globales de l'industrie. Pourtant, ils forment un maillage serré, les uns entraînant les autres comme une chaîne aux conséquences encore incertaines.Le numérique au cœur des débats
Aujourd'hui, CGR et le Pathé Vaise possèdent près de la moitié de leurs écrans équipés en projection numérique HD. Au départ, cette décision était un pari. Un an plus tard, la réussite est évidente, mais ses effets se sont avérés inattendus. Le numérique a parfois rallongé la durée de vie des films ; exemple, l'exploitation en 3D de Voyage au centre de la terre, resté plus de quatre mois à l'affiche. Le spectacle, purement cinématographique, a attiré les curieux autour d'un film au demeurant médiocre, mais la sortie de Volt la semaine dernière pourrait entériner ce mouvement. Avec en ligne de mire l'arrivée en décembre d'Avatar, le nouveau James Cameron, tourné spécifiquement pour cette technologie, œuvre d'un auteur ayant toujours su se saisir des innovations techniques pour faire évoluer sa grammaire de cinéaste. D'ici à cette échéance cruciale, combien de cinémas lyonnais auront «basculé» dans le numérique ? Pathé et CGR ont donc pris une longueur d'avance en la matière ; UGC et son président Guy Verecchia campent pour l'instant sur leur position, à savoir wait and see ; et les cinémas indépendants cherchent un modèle économique viable, faisant appel aux pouvoirs publics. Le Conseil Régional a amorcé un début de réponse par la voix de Jérôme Safar lors de la table ronde organisée par le GRAC le 30 janvier dernier en exprimant sa volonté de soutien à ce développement technologique. Mais ni chiffres, ni dates pour l'instant.La guerre des copies
Ce débat en cache un autre : l'ouverture d'un troisième multiplexe Pathé au Carré de Soie de Vaulx-en-Velin le 1er avril prochain. Conséquence première : une rude compétition avec les salles de l'est lyonnais. Conséquence collatérale : la conversion probable des cinémas du centre ville à la VO. Depuis l'ouverture du Pathé Vaise, le lamento des salles de proximité est sans équivoque : des difficultés grandissantes pour accéder aux copies, notamment celles des films d'art et essai porteurs. Porteurs, cela veut dire soit signés par un auteur reconnu, soit validés par Télérama, véritable programmateur bis de certaines salles. La situation conduit déjà certaines œuvres à une surexposition en VO dans les salles lyonnaises (exemple récent : Burn after reading, 5 copies la première semaine !). Ces locomotives sont toutefois nécessaires pour permettre l'exploitation correcte de films plus difficiles. Un véritable étau est en train de se créer où, entre les desiderata des distributeurs et une guerre de territoires se traduisant par des recours systématiques et parfois abusifs auprès du médiateur du cinéma (qui arbitre en cas de litige dans l'attribution des copies), la marge de manœuvre des salles indépendantes se réduit. Sans parler des attaques systématiques en justice contre les projets d'agrandissements de cinémas municipaux soutenus financièrement par les villes, «concurrence déloyale» selon les grands groupes. Le cinéma Gérard Philipe à Vénissieux, qui devait s'équiper d'une salle supplémentaire, a entamé un double bras de fer avec le CNC (qui a refusé son aide sélective au projet) et avec UGC et le syndicat Uniciné (qui ont déposé un recours). Une pétition circule actuellement en ligne...Moins de cinéma dans les cinémas ?
Par-delà ces questions circonstancielles, se profile une interrogation plus profonde : le cinéma est-il encore un événement, ou la salle de cinéma est-elle appelée à proposer autre chose que le simple objet-film ? Le numérique, qui offre aux créateurs une plus grande souplesse et aux diffuseurs une circulation simplifiée, a aussi ouvert un champ nouveau pour l'exploitation : la retransmission en direct de concerts, d'opéras ou d'événements sportifs. À l'heure où l'offre cinématographique s'uniformise, les salles vont-elles se tourner vers ce qui, jusqu'alors, était l'apanage de la télévision, pour recréer de l'événement ?