Mickey, fait comme un rat
Expo / Nicolas Rubinstein plonge son regard dans les entrailles de Mickey pour révéler le rat qui (a)git en lui, comme au cœur de notre civilisation infantile et mercantile. Jean-Emmanuel Denave

Photo : Nicolas Rubinstein
Sacrés artistes ! La semaine passée, nous vous parlions d'une œuvre de Pascal Bernier (exposé à la galerie Martinez) mettant en scène un gros ours en peluche sodomisant un véritable ours blanc naturalisé, soit une métaphore de la culture dominant et pervertissant la nature... Avec Nicolas Rubinstein, c'est l'inverse : l'artiste a dessiné un rat sinistre prenant Mickey dans toutes sortes de positions ! La nature reprend ses droits et sa lubricité active vis-à-vis d'une certaine culture, la nôtre, celle de Mickey & Co. Précisons d'emblée que Nicolas Rubinstein est lui-même un drôle d'animal : né en 1964 à Paris, il suit d'abord une formation d'ingénieur géologue avant d'opter pour le dessin et la sculpture, se passionnant notamment pour l'ossature et la face cachée de sujets animaliers. «Un des aspects fondamentaux de mon travail est l'envie de révéler la structure cachée, l'ossature intérieure, l'anatomie (l'ostéologie) des êtres et des choses. J'utilise la transparence, les coupes, les écorchés, les trous dans la surface, voire la dissection et les modèles anatomiques pour dévoiler et comprendre pourquoi et comment tout cela tient en place», précise l'artiste-anatomiste. Docteur Mickey et Mister RatL'exposition de Rubinstein, intitulée «Mickey is also a rat», est entièrement consacrée au dépeçage de cette figure emblématique du capitalisme consumériste qu'est Mickey. Figure déjà bien écornée ou explorée par des artistes tels que Andy Warhol, Bertrand Lavier, Bernard Rancillac ou Sherry Levine.... Mais au-delà du seul symbole, Nicko Rubinstein plonge son scalpel jusqu'au tréfonds de la chair molle et enfantine du personnage aux grandes oreilles. Et il y va gaiement et crûment : un énorme squelette en polystyrène de l'hybride rat-Mickey nous adresse un salut de la patte à travers la vitrine de la galerie ; une petite figurine de Mickey observe son congénère desséché (un vrai rat mort !) ; un rat naturalisé aux couleurs de Mickey est enserré dans de la résine et montre son joli profil... Sous une cloche à fromage, Mickey se fait encore dévorer comme un gruyère par ses congénères, et caetera et caetera... Rubinstein rend à Mickey ses odeurs, ses humeurs, ses pulsions, son inconscient. «Cette vision pleine d'ossatures représente sans doute aussi la fin de l'enfance du monde, le portrait d'une société sortant de l'adolescence après les génocides du XXe siècle, d'une civilisation recherchant peut-être de nouvelles structures» déclare encore, pédagogue acide, Nicolas Rubinstein.Nicolas Rubinstein
À la galerie Anima(l) jusqu'au 15 janvier.