Prophète en son pays
Cinéma / Pour la première fois depuis l'existence de ce classement annuel, un film fait l'unanimité entre la rédaction et les lecteurs du Petit Bulletin, et il est français : Un prophète de Jacques Audiard. Bilan surprenant d'une année passionnante.Christophe Chabert

Le grand écart, c'est aussi celui qui sépare les générations de cinéastes : le patriarche Eastwood s'est imposé façon force tranquille avec un mélodrame faussement mineur et vraiment sublime, Gran Torino, tandis que Quentin Tarantino allait définitivement s'installer au panthéon des metteurs en scène majeurs avec son coup de force, Inglourious Basterds. Danny Boyle, cinéaste important, a gagné le gros lot avec Slumdog millionaire, tandis qu'un autre Anglais, Richard Curtis, remportait le titre de réalisateur culte auprès du public français : il est le seul au monde à avoir réservé un triomphe à Good morning England... Une génération en dessous, beaucoup de jeunes auteurs ont frappé fort cette année, et ils viennent du monde entier : de Corée du Sud (Na Hong-jin avec l'exemplaire The Chaser), de Belgique (Joachim Lafosse pour son dérangeant Élève libre), du Danemark (Nicolas Winding Refn grâce à l'uppercut Bronson), de Grèce (Canine, film furieusement drôle de Yorgos Lanthimos), d'Australie (Adam Elliot et son très beau film d'animation Mary et Max), d'Angleterre (le magnifique Fish Tank d'Andrea Arnold, qui a échoué conjointement aux portes du top de la rédaction et de celui des lecteurs...). Sans oublier l'Iran avec deux films surprenants : À propos d'Elly et Les Chats persans... Cette carte de l'émergence cinématographique mondiale est rassurante, car non seulement cette dynamique arrive jusqu'aux écrans français, mais elle trouve son public et ses défenseurs. Déjà 2010...
Dernier point : d'ordinaire, on commence nos bilans début décembre et ensuite, on discute, on se refait le film de l'année, et on tire pépère nos petites conclusions. Mais cette année, deux films sont venus au finish tout bouleverser. Deux films exceptionnels dont l'impact nous a poussé à les intégrer d'office dans notre classement : Avatar, l'immense fresque populaire de Cameron, sorte de divertissement absolu, idéal et parfait ; et la surprise Max et les maximonstres de Spike Jonze. C'est comme ça : tous les dix ans, un grand film pour enfants débarque sur les écrans, et s'établit comme une référence immédiate en la matière. Dark Crystal dans les années 80, Edward aux mains d'argent dans les années 90 et aujourd'hui, ce splendide conte de l'enfance en colère contre le monde. Qu'on profite donc de cette dernière chronique de 2009 pour dire qu'en 2010, les retardataires auront deux œuvres géniales à se mettre sous les yeux. Ça s'appelle une transition, et on ne pouvait la rêver plus magique...