Des collages

Lundi 8 février 2010

Marnie Weber revient sur plusieurs aspects de ses travaux. Propos recueillis par Laetitia Giry

Les Spirit Girls« Les Spirit Girls ont vĂ©cu Ă  l'Ă©poque victorienne, ce sont des esprits en transit perpĂ©tuel, qui sont lĂ  pour diffuser un message d'Ă©mancipation et reprĂ©sentent Ă©ventuellement la mort. J'aime jouer avec l'idĂ©e de diffĂ©rentes rĂ©alitĂ©s. Mon travail est inspirĂ© des œuvres des surrĂ©alistes, mais avec une ambiance plus onirique. C'est important pour moi que tous les membres soient des femmes, il y a un guitariste du groupe qui est un homme, mais il porte une robe alors ça va... Je considère les costumes que je crĂ©e comme de vĂ©ritables sculptures, c'est pour cette raison que je les expose sur des mannequins. Si les œuvres se rĂ©pondent (vidĂ©os, sculptures, collages), chacune a son indĂ©pendance, peut et a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© montrĂ©e seule. Les cinq filles ne parlent habituellement pas, mais dans mon dernier film, j'ai pensĂ© qu'il serait intĂ©ressant de leur laisser la parole. Je fais donc intervenir des poupĂ©es ventriloques, mais personne ne les Ă©coute, prĂ©fĂ©rant abuser de leurs corps. Pour moi, cela symbolise le don de soi lors d'une reprĂ©sentation scĂ©nique, c'est l'Ă©quivalent d'un sacrifice. »Musique« Je fais moi-mĂŞme toutes les bande sons de mes vidĂ©os. Chacune a Ă©tĂ© enregistrĂ©e chez moi, avec mon enregistreur. Au dĂ©but, j'Ă©tais plutĂ´t intĂ©ressĂ©e par les groupes de rock des annĂ©es 70 comme Genesis, David Bowie, des gens qui crĂ©aient de vĂ©ritables spectacles. Je me suis rendue compte qu'il n'y avait aucune femme pour se produire dans ce genre de mise en scène et j'ai eu envie d'apporter ma contribution. »Les animaux« Les animaux campent le cĂ´tĂ© spirituel des gens. Ceux que je mets en scène dans mes films reprĂ©sentent diffĂ©rentes facettes de ma propre personnalitĂ©, ils symbolisent diffĂ©rents ressentis. L'ours intervient pour la force, le singe pour l'aspect joueur, le cochon pour la part de moi qui ne travaille pas assez, ou pas assez bien. Dans mes crĂ©ations ils sont un peu les animaux de compagnie des Spirit Girls. Ils sont aussi leur seul public et la seule incarnation masculine. Dans un film les filles portent des tĂŞtes d'animaux en guise de chapeaux, elles se libèrent ainsi de leurs chaĂ®nes victoriennes en se transformant en animal. J'utilise des modèles utilisĂ©s en taxidermie pour les fabriquer, je pense qu'ils portent ainsi en eux une tristesse Ă©ternelle. »FĂ©minisme« A la fin du XIXème siècle aux Etats-Unis, les sœurs Fox Ă©taient cĂ©lèbres pour leur capacitĂ© Ă  communiquer avec les morts grâce Ă  des coups donnĂ©s sur le plancher. Elles auraient ainsi retrouvĂ© un cadavre enterrĂ© chez elles au sous-sol. Cette histoire les a fait largement connaĂ®tre, elles sont parties en tournĂ©e Ă  travers le pays, rappelant les esprits, ce qui a gĂ©nĂ©rĂ© un rĂ©el intĂ©rĂŞt pour le spiritualisme sur scène. Lors des sĂ©ances de spiritisme, les sœurs Fox et les autres avaient pour rituel de se lier les pieds et de se maquiller. Tout cela Ă©tait très fĂ©tichiste, c'est ce que je retranscris dans des vidĂ©os comme celle du western. Cela coĂŻncide avec les dĂ©buts du fĂ©minisme et correspond Ă  un important changement d'Ă©poque. Avant cela, tout le monde pensait Dieu comme une entitĂ©, personne n'avait jamais imaginĂ© qu'il pouvait se manifester Ă  travers eux-mĂŞmes. Cela a Ă©tĂ© rĂ©ellement libĂ©rateur. Les femmes n'Ă©taient pas les bienvenues sur scène, elles n'Ă©taient pas autorisĂ©es Ă  exprimer un jugement politique. C'est ironique mais, finalement, la première fois qu'on leur aura laissĂ© la parole sur scène, cela aura Ă©tĂ© sous la forme d'esprits, de fantĂ´mes. Mais mon travail n'est pas vraiment fĂ©ministe, je le considère plutĂ´t comme Ă©tant humaniste. Si mes personnages sont des femmes, c'est surtout parce que ce sont fatalement des personnages plus proches de moi, dans lesquels je me reconnais et me projette plus facilement. »Le public« Dans mes films, j'essaie de transmettre des Ă©motions en crĂ©ant des paradoxes sentimentaux, en mĂŞlant une profonde mĂ©lancolie Ă  de l'humour. Certains artistes n'attachent pas beaucoup d'importance Ă  leur public. En ce qui me concerne, des annĂ©es d'expĂ©rience de la scène m'ont donnĂ© le goĂ»t de la considĂ©ration du spectateur. J'essaie d'Ă©tonner le public, de lui faire ressentir des impressions Ă©tranges. J'aimerais que mon travail l'aide Ă  chercher, regarder et analyser ses propres Ă©motions : c'est en cela que je considère mon œuvre comme une œuvre humaniste, concernant autant les sensibilitĂ©s masculine que fĂ©minine. Je fais les films puis quand je les regarde, j'ai l'impression de pouvoir les interprĂ©ter comme je le ferais avec un rĂŞve. Je voudrais inciter les gens Ă  vraiment prĂŞter attention Ă  leurs rĂŞves, Ă  penser Ă  des choses auxquelles on ne pense pas au quotidien. »