L'Illusionniste
Après Les Triplettes de Belleville, Sylvain Chomet exhume un scénario inédit de Jacques Tati, et le transforme en hommage animé aux films du cinéaste, avec une mélancolie un peu fabriquée.Christophe Chabert

Le film accompagne ainsi son héros outre-manche : il prend un bide à Londres, va se ressourcer dans une pension écossaise où il rencontre Alice qu'il emporte dans ses bagages direction Edimbourg. Là -bas, il tentera vainement de perpétuer son art, entre petits boulots foirés et début de succès dans la publicité. Étrangement, le scénario frappe par son utilisation d'archétypes très contemporains (Chomet a visiblement pris pas mal de libertés avec la matière originale) : la jeune fille aux yeux remplis d'admiration et de dévotion que le magicien néglige, trop absorbé par ses problèmes de survie, les clowns et ventriloques en fin de partie, dépressifs et suicidaires, à qui un regard innocent rend le goût de vivre... L'Illusionniste commet même un impair dans sa dernière partie avec une course à l'émotion qui contraste avec la demi-teinte générale du reste, le temps de quelques séquences qu'on dirait sorties d'un Disney, ce qui souligne aussi la gêne face à un film qui surjoue la mélancolie, la grisaille et le passéisme. C'est son petit charme et en même temps sa grande limite... On disait qu'il s'ouvrait sur une bonne idée : réunir dans le même dessin le cinéma et son origine foraine, tout en leur faisant se tourner le dos. Il la renverse joliment en cours de route : le Tati crayonné entre dans un cinéma qui diffuse Mon Oncle. Un bref instant, il se reconnaît sur l'écran, comme si cette rencontre entre deux artifices, l'image cinématographique et sa reproduction animée, parvenaient enfin à dialoguer entre elles, pour le plaisir des cinéphiles.L'Illusionniste
De Sylvain Chomet (Fr, 1h20) animation