Œdipe roi

Lundi 11 mars 2013

Livre / Critique et poète français ô combien respecté et respectable, Yves Bonnefoy est l'auteur d'une monographie de Giacometti fortement recommandée et recommandable. Entre la biographie et la critique d'art, à la croisée de la sphère intime et de l'œuvre rendue publique, l'écrivain fouille les beautés et la genèse de l'acte de créer. Jamais voyeur, mais toujours juste et conscient de l'importance de la vie menée par l'Homme pour expliquer l'artiste, il offre au lecteur une déambulation enchanteresse à travers l'enfance d'Alberto, à travers ses rêves écrits et commentés, ses tortures, ses interrogations et ses doutes. Tout au plus pourrait-on lui reprocher une lecture tellement évidemment psychanalytique qu'elle en devient presque suspecte. Suspecte dans le sens où la relation à la mère semble tenir autant de l'interprétation de l'auteur (dans la position du psychanalyste) que des faits. Rééditée cette année sous une forme financièrement plus abordable, cette monographie de 500 pages peut effrayer. Pourtant, sa lecture est fluide et passionnante, ponctuée de reproductions d'œuvres bienvenues, divisée en chapitres dont les thématiques épousent la chronologie : de l'enfance en Italie aux premières audaces artistiques en présence de son père (peintre), en passant par l'époque surréaliste pour aboutir à l'artiste que l'on connaît, celui des sculptures de l'Un, de la figure universelle et du visage unique. En épousant le regard de Giacometti, en éprouvant une empathie à son égard si frappante à la lecture, Bonnefoy livre une vision aussi professionnelle que profondément personnelle, une invitation à le croire... « Le dessin aide son auteur à tirer des profondeurs de l'inconnu la merveille ». Une assertion qui étonne au premier abord tant Giacometti est connu pour ses sculptures, et qui est précisément celle défendue et illustrée dans l'exposition Espace, tête, figure. Car chez lui le travail commence avant le bronze, entre ses mains, entre son moi et son crayon. Laetitia Giry

Giacometti, par Yves Bonnefoy (éd. Flammarion)

Alberto Giacometti

Considéré comme l'un des plus grands sculpteurs du 20ème siècle, Alberto Giacometti, dont la recherche obstinée de la représentation de la figure humaine a trouvé dans l'art de ces 30 dernières années un écho tout particulier, demeure un artiste rare dans les collections publiques françaises. De fait, c'est au musée de Grenoble que revient le mérite d'avoir acquis le premier, en 1952, une oeuvre d'après-guerre du sculpteur intitulée La Cage. Œuvre singulière et essentielle qui s'appuie sur la juxtaposition dans un même espace, d'un nu féminin debout et d'un buste masculin, elle synthétise nombre de préoccupations de l'artiste. Elle pose notamment les questions de la représentation de l'espace, du rôle du socle, de la relation de la figure à l'espace ainsi que celle des figures entre elles...