"Revoir Paris" : et la vie continue
Le film coup de cÂśur / Davantage qu'un film "sur" les attentats parisiens de novembre 2015, "Revoir Paris" s'intĂ©resse Ă leurs consĂ©quences tangibles dans la vie d'une poignĂ©e de rescapĂ©s. Une œuvre Ă pĂ©rimètre humain sensiblement interprĂ©tĂ©e, oĂą Alice Winocour poursuit avec brio l'exploration des failles traumatiques.

Photo : ©Pathé Distribution
Menant une existence heureuse entre son métier d'interprète et le couple qu'elle forme avec Vincent, Mia ne s'imagine pas que tout va basculer pour elle à cause d'un attentat perpétré dans la brasserie où elle s'arrête un soir, pour s'abriter de la pluie. Quelques mois plus tard, Mia doit retrouver la mémoire des événements pour réapprendre à vivre ; pour cela, elle peut compter sur l'aide d'autres survivants...
Des histoires sur le deuil, le cinéma en propose régulièrement, où il s'agit d'aller de l'avant en acceptant la disparition d'un être aimé. Revoir Paris en présente une plus singulière puisque la personne endeuillée doit ici non seulement surmonter un syndrome de culpabilité - celui d'avoir survécu quand tant d'autres ont péri -, reconstituer ses souvenirs et retrouver un témoin-clef du funeste soir afin de pouvoir, enfin, assumer la perte de sa propre existence passée. Monsieur Arkadin - Dossier Secret (1955) de Welles, Angel Heart (1987) de Parker, L'Échelle de Jacob (1990) de Lyne ou État second (1993) de Weir avaient déjà plus ou moins exploré ces thèmes, mais en longeant les frontières du fantastique ou du thriller ; Alice Winocour opte de son côté pour une approche réaliste et intime, en superposant au drame collectif (et anonymisé) d'un attentat les conséquences individuelles ressenties par l'une des victimes. Ce point de vue subjectif, avec la part de doutes, de pertes de repères et d'angoisses, donne à Revoir Paris une dimension originale, par bribes : ce qui est montré du passé n'est ainsi pas forcément la vérité, mais les brouillons d'une reconstruction progressive. La réalisation et le montage s'avèrent, à cet égard, d'une grande habileté, en empruntant des voies plus psychologiques que strictement factuelles. La cinéaste a l'habitude des portraits d'individus cabossés intérieurement : de la patiente d'Augustine à la spationaute de Proxima en passant par le garde du corps de Maryland, tous ses personnages luttent sous l'écorce contre les douleurs térébrantes de leurs cicatrices les plus indélébiles : invisibles. Ils n'en sont que plus authentiques et attachants dans leur incapacité à communiquer l'indicible.
Post trauma, lux
MalgrĂ© le sujet, malgrĂ© le contexte, Revoir Paris ne reste aucunement prisonnier de sa tragĂ©die originelle ; au contraire, il est orientĂ© vers l'optimisme et la lumière - son titre, si simple, sonne d'ailleurs comme un vœu ou une invite Ă revenir Ă l'essentiel. Refusant de se perdre dans les circonstances ou les motivations de l'acte terroriste comme dans l'enquĂŞte, le film se focalise ainsi sur la rĂ©paration morale et physique des survivants ainsi que - employons dans son acception première ce terme trop souvent dĂ©voyĂ© - leur rĂ©silience. Il va sans dire que le choix des interprètes revĂŞtait une importance cruciale puisqu'il ne s'agissait pas de "jouer" ou contrefaire l'Ă©tat de dĂ©rĂ©liction confus que traverse Mia, mais bien de le vivre. Virginie Efira offre les nuances idoines Ă ce rĂ´le, de la torpeur initiale Ă la reprise en main de son destin. Quant Ă BenoĂ®t Magimel, faut-il croire que le cadre hospitalier lui rĂ©ussit ? Toujours est-il qu'il incarne une figure boitillante mais solaire, ironiquement la bĂ©quille sur laquelle Mia va s'appuyer pour reprendre sa marche. L'annĂ©e qui se boucle, après son CĂ©sar pour De son vivant, le Dupieux et avant (entre autres) le Albert Serra - Pacifiction, prĂ©cĂ©dĂ© d'un beau bouche Ă oreille -, est aussi pour lui celle d'une jolie rĂ©surrection.
★★★★☆ Revoir Paris de Alice Winocour (Fr., 1h45 avec avert.) avec Virginie Efira, BenoĂ®t Magimel, GrĂ©goire Colin... En salle le 7 septembre.