Nuits de Fourvière : là où la musique se fait poème
Poésie / Depuis sa fondation en 1946, le festival des Nuits de Fourvière est un incontournable de la scène culturelle lyonnaise, incarnant à la fois l'histoire et le présent de la musique, parsemé d'instants de pure poésie. Nous vous en proposons quatre.

Photo : Thibault, Cauvin, M, Louise Jallu aux Nuits de Fourvière ©Paul Bourdrel
Si la programmation offre des spectacles mêlant genres et époques, c'est indéniablement le volet musical qui suscite le plus de curiosités et de débats. Cette année, comme à l'accoutumée, des grands noms de la scène nationale (Jean-Louis Aubert, Clara Luciani, Lamomali, Ben Mazué, La Femme, Laurent Voulzy) et internationale (Fontaines D.C., Cypress Hill, Franz Ferdinand, Kool & the Gang, Jorja Smith, The Libertines, Kraftwerk et Chilly Gonzales) fouleront les planches de la scène collinaire, pour des soirées affichant complet quelques minutes après l'ouverture de la billetterie.
Parmi les artistes qui enchanteront les nuits d'été, il y a quatre noms qui ne sont pas reliés par une esthétique homogène, mais plutôt par un lien souterrain, fait de retenue et de suggestion : celui de la poésie. Et si, comme affirmait le peintre tonaliste James Abbott McNeill Whistler, « la musique est la poésie du son », ces soirées ne peuvent qu'en apporter des preuves irréfutables.
Beth Gibbons et Bill Callahan : mélancolier le silence
La soirée du 30 juin s'articulera autour de l'introspection torturée et éternelle de Beth Gibbons, ex-chanteuse de Portishead, onze ans après son passage à Fourvière et seulement un an après son concert à la Bourse du travail. Live outgrown, œuvre d'une rare sobriété où chaque silence a autant de signification que la moindre note, intervient plus de deux décennies après Out of season, trésor sublime conçu en collaboration avec Paul Webb, ancien bassiste de Talk Talk. Les deux disques structureront la soirée, qui s'achèvera sur quelques pépites de sa période trip-hop, afin de donner au temps, aux pertes et à la résilience, une forme méditative et lyrique. En première partie, Bill Callahan dévoilera une folk dépouillée, éloignée du pathos, mais animée par une même économie de moyens. Une mise à nu musicale, marquée par la finesse et la simplicité.
Le chaos et la paix : Max Richter
Vendredi 11 juillet, Max Richter investira le Grand théâtre pour une traversée de deux œuvres à la fois fascinantes et troublantes. La première partie de la soirée, pleine de contrastes, évoquera la fragilité du monde moderne, et sera consacrée à In a landscape, l'un des derniers disques du compositeur franco-allemand. Une quête introspective qui se poursuivra avec la deuxième partie, dédiée à l'incontournable The blue notebooks, lieu de tissage d'une toile sonore où la mélancolie se mêle à la protestation. Portée par des lectures de Kafka et Miłosz, cette œuvre est une réflexion poignante sur la guerre et la déshumanisation, un voyage introspectif qui laisse émerger une prise de position radicalement poétique sur notre époque.
Anoushka Shankar : une célébration musicale entre lumière et ombre
Pour terminer notre tétralogie poétique, nous convoquons une artiste qui, depuis trois décennies, enchante le monde avec son sitar : Anoushka Shankar. La virtuose présentera un mélange audacieux de pièces récentes extraites de sa trilogie de mini-albums - conçue comme un carnet de poèmes musicaux - constituée de Chapter I: Forever, for now, exploration minimaliste offrant une musique éthérée, presque suspendue ; Chapter II: How dark it is before dawn, immersion dans la nuit intérieure propice à la guérison ; et Chapter III: We return to light, retour à la lumière fusionnant raga, rythmes hypnotiques et ambiances modernes.
Quatre figures contemporaines en mesure de restituer à la musique son rôle ancestral, celui de guérir. Quatre instants orphéens, là où la musique et la poésie ne font plus qu'un.
Nuits de Fourvière
Jusqu'au samedi 26 juillet 2025 dans différents lieux de la ville ; de 10 à 69 €