Sirāt, dernière transe avant l'apocalypse

Publié Lundi 25 août 2025

Fitzcarraldo / Une odyssée mystique au cœur des montagnes marocaines en forme de trip  sensoriel soutenu par une bande originale démente. Le prix du jury cannois est un gros morceau. 

Photo : Sirat © Pyramide Distribution

Un décor vide - le cœur des montagnes du sud du Maroc - se meuble puis se peuple. Des corps imparfaits et abîmés apparaissent. Ils s'approprient l'espace le temps d'une rave. Deux personnages surgissent : un père (Sergi López, prodigieux), accompagné de son fils, cherche sa fille disparue plusieurs mois auparavant dans l'une de ces fêtes. Baigné dans une musique électronique pulsionnelle brutalisant les velléités contemplatives, Sirāt prend forme dans un minimalisme empreint de fureur. Le paysage constitue une entité vivante à part entière au même titre que celles et ceux qui l'arpentent. Le sound design fait résonner chaque élément comme s'il poussait ses derniers cris : la terre et la poussière sont palpables.

N'attendez pas trop de la fin du monde

La transe inaugurale, hypnotique et hallucinée, laisse place à un road-movie nihiliste et incertain, paradoxalement joyeux dans sa volonté de célébrer ce qu'il reste de vie. Contre-champ d'un monde en guerre et en proie à son inéluctable destruction, le quatrième long métrage d'Óliver Laxe clarifie sa démarche de cinéaste pour mieux la radicaliser et l'élever. Quelque part entre l'univers postapocalyptique de Mad Max et la poésie des environnements extrêmes chère à Werner Herzog, il filme la fuite en avant d'un groupe d'individus en quête d'un abandon salvateur. Une microsociété s'invente sous nos yeux entre les raveurs et le duo père-fils : l'utopie collective renaît. Sirāt s'offre alors des parenthèses fantaisistes à l'instar de cette reprise chantonnée du Déserteur de Boris Vian, où un moignon de genou devient un personnage comique. L'intrigue initiale (la recherche de la fille) s'évapore tandis que le danger s'éloigne dans cette odyssée au mysticisme croissant.

Le convoi de la peur 

L'imprévisible dicte sauvagement les règles. L'âpreté du réel vient bousculer le récit et plonger le film dans les ténèbres. Chaque geste devient une prise de risque, un acte de courage défiant une mort qui rôde. Oliver Laxe filme alors une communion macabre entre des survivants et une terre qui implose. Il conçoit une expérience de cinéma violente et libératrice, où la musique de Kangding Ray est un outil de dialogue qui s'affranchit de la barrière linguistique et maintient les sens en alerte. Le sirat, dans la langue arabe, signifie « voie » ou « chemin ». Il désigne également le pont reliant l'enfer et le paradis. Un pont, aussi étroit qu'acéré, nous précisait le carton d'ouverture. Il se révèle annonciateur d'une issue où la densité de la mise en scène épouse une simplicité d'action rédemptrice. Un soupçon d'optimisme au moment de parachever un geste de cinéma fort, salué à raison par un Prix du jury à Cannes.

Sirāt

De Oliver Laxe (Espagne, France, 1h55) Avec Sergi López, Bruno Núñez Arjona, Richard Bellamy... En salle le 10 septembre 2025.   

Sirāt

sortie nationale : Mercredi 10 septembre 2025
De Oliver Laxe Avec Sergi López, Bruno Núñez Arjona, Richard...

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