Oui, no pain no gain

Publié Vendredi 5 septembre 2025

La Dérobade / Nadav Lapid s'intéresse au 7 octobre 2023 afin d'observer la déchéance morale d'une nation dans un film mal-aimable, excessif et souvent captivant.

Photo : Oui © 2025 4 - les films du losange

L'ouverture festive de Oui, nouvelle réalisation de Nadav Lapid, excite et écœure d'un même élan. Loin de la rigueur de ses deux premiers films (Le Policier et L'Institutrice), le cinéaste nous immerge au cœur d'une soirée de la haute bourgeoisie de Tel-Aviv où un couple de saltimbanques amuse la galerie. Bande-son d'un goût discutable (le tube eurodance Be My Lover de La Bouche), images frénétiques mêlant débauche et obscénité : le cinéaste n'épargne rien. Un peu comme si stylistiquement Sorrentino croisait Zulawski et Michael Bay. Le cocktail esthétique, agressif et éreintant, a quelque chose d'inédit et fascinant dans le contexte. La tragédie du 7 octobre n'a pas eu lieu, mais le chaos est déjà là, l'absence de mesure d'une société malade aussi.

Freaks

Divisé en trois parties, Oui, opère des ruptures de style et de ton en passant de l'une à l'autre avec plus ou moins de clarté. Ce qu'il perd en fluidité narrative, il le compense par des cris de rage incessants, salvateurs ou agaçants selon les sensibilités. Entre fiction et images volées, propagande et détournement, Lapid entreprend un choc des matières à l'écran. Des effets saccadés (comme souvent chez le cinéaste, la caméra est concrète, percutée par les personnages), des glitchs, il glisse soudainement vers un monologue bouleversant sur le 7 octobre, soutenu par des images documentaires. Sans jamais asséner une quelconque morale, les personnages questionnent même frontalement le spectateur, le confrontant à ses contradictions. Sa force est d'être à la fois dans la suggestion explicite tout en se refusant à filmer l'immontrable. Si horreur il y a à l'écran, c'est sa peinture de classes décadentes vulgaires et individualistes prêtes à tout pour continuer à jouir de leurs privilèges en dépit de ce qui se joue de l'autre côté de la frontière.

Vice City

Derrière ses références pop (la chanson des Tortues Ninja interprétée au piano), en apparence inconséquentes, Oui est aussi le récit d'un point de non-retour. Celui d'un homme qui s'est abandonné (l'allégorique scène de la pluie de pierres), d'un couple qui s'est disloqué et d'une nation aveuglée. Cette perte de repères totale contamine un ensemble acerbe qui accouche d'une impasse. Comment être artiste dans un pays incapable de différencier divertissement et propagande ? La réponse de Nadav Lapid est sans appel : se soumettre au régime ou le fuir. Aucun compromis n'est possible. Il subsiste néanmoins une lueur d'espoir incarnée par un enfant, force vitale à qui l'on répète pourtant « résigne-toi » tel un mantra. Le temps des regrets qui était au cœur de son film précédent Le Genou d'Ahed est révolu.

Oui
De Nadav Lapid ( France, Allemagne, Israël, Chypre, 2h30) avec Ariel Bronz, Efrat Dor, Naama Preis...

Oui

sortie nationale : Mercredi 17 septembre 2025
De Nadav Lapid Avec Ariel Bronz, Efrat Dor, Naama Preis

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