Cinés-concerts, la fièvre propagée
Panorama / Blockbusters, séries d'animation japonaises et films de patrimoine ; Lyon reste une ville de ciné-concerts ambitieuse, invitant à revisiter des films "doudou", à découvrir la singularité d'une improvisation ou à explorer le cinéma de patrimoine.

Photo : Tabou de Friedrich Murnau ©Mk2
En décembre 2023, nous l'écrivions déjà. Les propositions de blockbusters en ciné-concerts se multipliaient à toute vitesse, tant et si bien que les salles devaient veiller à ne pas se marcher sur les pieds : « Les producteurs qui proposent des ciné-concerts veulent tous passer à Lyon, on a même dû refuser une représentation de Harry Potter car une date similaire était déjà en vente à la Halle Tony Garnier », avait détaillé l'amphithéâtre 3000. Force est de constater que presque deux ans plus tard, la tendance ne faiblit pas. À deux mois de la sortie du troisième opus de la saga et dix ans après la sortie en salle du premier opus ; le film Avatar de James Cameron sera accompagné par 150 musiciens à la Halle Tony Garnier le 3 novembre 2025. Projections grand public toujours ; la Halle accueillera, pêle-mêle, un long-métrage rassemblant des extraits des 23 films Marvel accompagnés par une centaine de musiciens (le 14 mars 2026), mais aussi le film aux cinq oscars de Ridley Scott, Gladiator (le 23 mars 2026). La LDLC Arena exploitera un filon proche et mettra en musique le cinquième opus d'une saga qui ne semble toujours pas s'essouffler : Harry Potter et l'ordre du phénix (le 11 janvier 2026).
Nouvelle tendance dans la galaxie des grosses productions de ciné-concerts, la projection et la mise en musique de séries d'animation japonaises cultes. L'Attaque des titans, adapté de l'œuvre d'Hajime Isayama, sera à l'Amphi 3000 le 1er et 2 octobre 2025 suivi, le 23 novembre 2025, par une autre mise en musique et en image d'un succès de la japanimation : Naruto shippuden adapté du manga de Masashi Kishimoto.
La substantifique moelle des ciné-concerts

Interrogé en 2023 sur le « boum » des ciné-concerts de blockbusters, Quentin Amalou, docteur en sociologie de l'université d'Avignon qui a essentiellement travaillé sur les publics de cinémas avait évoqué un risque de « dévoiement du concept premier du ciné-concert » avec la multiplication des blockbusters. Critiquant ainsi les logiques marchandes et rappelant que, selon lui, « c'est un genre qui avait normalement vocation à faire découvrir une œuvre de façon ludique, ou à créer autour d'œuvres déjà existantes. » Une mission dont l'Auditorium s'acquitte depuis les années 2000 et la prise de poste de David Robertson en tant que directeur musical de l'ONL et directeur artistique de l'Auditorium. Avec l'Institut Lumière, les deux institutions ont œuvré à l'organisation des premiers ciné-concerts lyonnais, dans le respect de leur forme traditionnelle : faire revivre une expérience du passé - le cinéma muet -, tout en retrouvant les modalités de projection des débuts du cinéma. Une programmation qui permet aussi de diversifier les activités d'un orchestre. D'après Quentin Amalou, « les ciné-concerts séduisent et font venir du public. Cela permet aux orchestres de mettre en musique un film avec des œuvres moins connues, qui n'auraient peut-être pas attiré les foules sans projection ».
Des organistes et du cinéma pointus
Depuis quelques années, l'Auditorium programme six à sept ciné-concerts par an dont deux dans le cadre du Festival Lumière. Cette année, il s'agira des films Le Vent et de La Charrette fantôme, tous deux réalisés par Victor Sjöström, un des pères fondateurs de l'école suédoise. Les habitants d'un ranch rendus fous par un vent violent et permanent, magnifié par le travail d'adaptation de la partition de Carl Davis par Timothy Brook, qui dirigera l'Orchestre national de Lyon. Un ciné-concert à découvrir le 16 octobre 2025. Le 18 octobre, l'improvisation à l'orgue de Grégoire Rolland redonnera vie au conte macabre de la charrette fantôme. Il sera aux commandes d'un des trois seuls orgues de concert de France, salle Maurice Ravel.
Psychose d'Alfred Hitchcock (du 4 au 6 décembre) et Le Dictateur de Charlie Chaplin (du 19 au 21 mars 2026) seront aussi projetés, de même que le film grand public annuel de l'Auditorium : l'année dernière Jurassic Park, cette année, Dragons (du 13 au 16 mai 2026) toujours accompagné par l'ONL, dirigé par Frank Strobel. Finalement, l'organiste polonais Karol Mossakowski improvisera à l'orgue sur un film noir tourné dans la lumière tahitienne : l'ultime et culte film de Friedrich Wilhelm Murnau, Tabou. La soirée du 7 janvier 2026 a été prévue dans le cadre d'un nouvel événement de l'Auditorium, la Biennale de l'orgue. Celui-ci vise à ancrer l'instrument parfois injustement cantonné aux répertoires d'église dans la société contemporaine, cette année articulé autour de thématiques écologiques et environnementales. Attention, les places partent vite.