Parle avec eux

Parle avec eux

Pendant une semaine, chaque soir, un texte de théâtre contemporain sera lu avec soin par le collectif grenoblois Troisième bureau. L'occasion de découvrir des univers et des auteurs passionnants, autour du thème de la désertion. Aurélien Martinez

On déserte. Bye bye, on prend la porte, on quitte ce monde de dingues, sans se retourner et sans même une once de nostalgie. Pourquoi soudainement tant de révolte et de bouillonnement dans nos petits corps d'êtres humains d'habitude si prosaïques? Tout simplement parce que la désertion est le thème de cette neuvième édition du festival « Regards croisés sur les nouvelles dramaturgies » de nos amis de Troisième bureau. Et là, une petite présentation s'impose : formé en 2000, Troisième Bureau est « un collectif artistique pluridisciplinaire réunissant comédiens, auteurs, metteurs en scène [...] qui œuvre à une diffusion “critique” des écritures théâtrales d'aujourd'hui ». Le festival évoqué ci-dessus est ainsi l'aboutissement d'un travail annuel prolifique mené autour de lectures publiques mensuelles. « La lecture peut être un moyen de découvrir un texte » nous explique Bernard Garnier, coordinateur de projet et comédien. Écouter un texte de théâtre simplement lu plutôt que de le voir mis en scène permettrait de mieux l'appréhender ? « Mieux je ne sais pas, mais différemment sans doute. On a fait une enquête auprès des auteurs présents l'an dernier, et tous sont unanimes : la lecture leur permet d'entendre véritablement leur texte, c'est une première épreuve pour eux. Car la destination d'un texte de théâtre est évidemment le plateau : la lecture ne s'y substitue pas, mais c'est une étape dans la découverte de la pièce que l'on mène conjointement avec le public. » Le collectif essaie ainsi de sélectionner des auteurs contemporains de tous les horizons, comme une représentation – forcément subjective – des cheminements littéraires de notre monde d'aujourd'hui.

Prendre du recul

On déserte donc, comme affirmer crânement en ouverture de ce papier. « On a une image très négative de la désertion, rattachée à la chose militaire, à la guerre continue Bernard Garnier. Or, nous ne revendiquons pas cette désertion comme un abandon mais plus comme un déplacement, une posture. » Une posture « active et non de repli » visant à prendre du recul, « quand tout dialogue est impossible, quand toute alternative est ridiculisée » écrit Samuel Gallet, auteur associé au collectif. « Comment le théâtre peut-il être un appel à déserter pour insuffler de l'air dans l'étouffement ambiant ? » Une question porteuse de sens à laquelle les auteurs invités pendant le festival tenteront de répondre, par le biais de leurs écrits. Sept textes seront ainsi lus en public par des comédiens. Sept textes percutants, posant chacun à leur manière (avec retenue, violence ou ironie...) la question de la désertisation (voir notre sélection). Après chaque lecture, un Café des auteurs sera organisé, avec les auteurs présents lors du festival (quatre sur sept cette année) et aussi les traducteurs des textes, maillons essentiels de la chaîne littéraire, passeurs de mots entre les différentes langues.

« Ma décision est prise, je m'en vais déserter »

Une semaine donc de lecture à haute voix, tous les soirs au Théâtre 145, pour partager des mots, rencontrer des auteurs, découvrir des textes originaux. Une question, comme ça, pour finir : pourquoi un tel thème a-t-il été choisi ? « Après deux années autour de sujets assez précis – la question de l'exil, et dans la continuité celle des murs et de l'enfermement –, on a essayé de se mettre en décalage, et d'éviter une thématique qui pourrait avoir tendance à enfermer » répond Bernard Garnier. Déserter pour ne pas se faire enfermer, la logique a du sens et nous rassure quant à notre capacité de ne pas constamment acquiescer bêtement (à l'instar d'un Boris Vian dans la chanson Le déserteur). Après le Printemps du livre qui nous proposait de semer des « graines de révolte », après les Arts du récit qui nous ont ouvert des horizons culturels vers l'Afrique, et maintenant Troisième bureau qui nous incite à déserter, visiblement, ce début d'année 2009 aura été celui de toutes les remises en cause littéraires.

REGARD CROISÉS SUR LES NOUVELLES DRAMATURGIES
Du lundi 25 au samedi 30 mai, au Théâtre 145. Entrée libre

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