Regards croisés : lus et approuvés

Regards croisés : lus et approuvés

Festival / « En quel temps vivons-nous ? » se demande cette année Regards croisés, festival grenoblois dédié aux écritures théâtrales contemporaines. Lors de cette nouvelle édition prévue du 18 au 23 mai au Théâtre 145, des textes pleinement ancrés dans le réel et sa langue seront mis en lecture avant de, peut-être, les retrouver un jour mis en scène. Nous les avons consciencieusement tous lus ; nous en avons sélectionné trois.

Billybeille – Evan Placey

En 2015, Regards croisés nous avait déjà fait découvrir une œuvre forte de l'auteur londonien Evan Placey : Ces filles-là, qui évoquait la mise à mort sociale d'une adolescente pour une histoire de photos d'elle nue partagées par ses camarades. Dans la foulée, la metteuse en scène Anne Courel, directrice de l'Espace 600, en avait fait un spectacle percutant vu notamment à la MC2.

Pour cette édition, Evan Placey présentera sa nouvelle pièce centrée cette fois sur un enfant hyperactif qui prend conscience du regard parfois violent que les autres portent sur lui. « Madame Cocker m'a dit que je parlais beaucoup. En fait, ce qu'elle a demandé, c'est si j'avais pas une pile Duracell cachée derrière la tête. Parce que je ne m'arrête jamais. Jamais. Et même quand elle croit que je vais m'arrêter, que je vais finir par m'épuiser... » Du théâtre tout public une nouvelle fois très fort, qui sera notamment défendu par les jeunes du Chantier ados de l'Espace 600, fidèle collaborateur du festival sur le volet adolescents.

Mercredi 18 mai à 14h


Croire aux monstres – Melissa Bubnic

« On peut pas avoir de secrets ici. Tout le monde sait tout sur tout le monde [...] Avant, les Palmer, ils ressemblaient aux familles qu'on voit dans les pubs pour les céréales. » Mais ça, c'était avant. Avant qu'une gamine ne disparaisse dans cette petite ville a priori tranquille. Un drame qui fera voler en éclats acérés le verni social.

Avec ce texte à l'écriture rythmée et pétrie de références à la pop culture, l'autrice australienne Melissa Bubnic ausculte notre monde contemporain et ses enjeux à travers une galerie de personnages vulgaires, racistes, homophobes... Accompagné de nombreuses têtes connues de la scène théâtrale locale, Thierry Blanc en proposera une lecture qui pourrait être l'un des grands moments du festival.

Mercredi 18 mai à 19h


Yen – Anna Jordan

« – T'as un truc à fumer. Un peu de weed ? – Non. – Putain mais tu parles d'un ado à la con. – J'ai pas d'argent ! » Ce dialogue entre une mère et un fils résume tout le malaise qui s'installe progressivement à la lecture de la pièce de l'autrice anglaise Anna Jordan. Son récit est ainsi centré sur deux ados abandonnés par leur mère dans un appartement sordide. Dans un état lamentable (on sent leur transpiration juste avec leurs mots), ils tentent tant bien que mal de passer le temps avec force de jeux vidéo et pornos. Jusqu'à ce qu'une jeune voisine vienne les voir...

Le rythme, l'acuité, le propos... : sur le papier, Yen, pièce de poche pour quatre personnages, a tout pour servir de base à un futur spectacle en forme d'uppercut. L'après Regards croisés s'annonce une nouvelle fois plein de promesses.

Samedi 21 mai à 20h

Regards croisés du 18 au 23 mai au Théâtre 145 (et dans quelques autres lieux)


Mais aussi

Fascination – Helena Tornero (Espagne). Une entreprise offre des cours de danse à ses salariés : une initiative a priori sympathique qui permet pourtant à l'autrice espagnole Helena Tornero d'ausculter en filigrane ses contemporains comme l'histoire de son pays.

Long développement d'un bref entretien – Magne Van Den Berg (Hollande). Un texte à la construction atypique (quatre personnages discutent tour à tour en duo) qui joue avec la perception du spectateur pour dévoiler certains secrets comme certaines fausses pistes. Prenant.

L'Arbre à sang – Angus Cerini (Australie). «  –  Avec une balle dans le cou, ta tête de crétin a l'air bien mieux qu'avant. –  Repose en paix papa crétin. –  Salut papa sombre paquet de merde, va. – Bye bye papa misère de sac à merde, va. » Le texte de l'Australien Angus Cerini est lui aussi vif, dans un style très oral. Et se penche avec intensité sur le drame souterrain des violences intrafamiliales.

De nombreux autres textes et à-côtés. Nous ne pouvons pas tout détailler ici, mais comme chaque année, le programme de Regards croisés, disponible sur le site du collectif grenoblois Troisième bureau qui l'organise depuis vingt-et-un ans, est riche. À noter une grande nouveauté cette année : l'organisation, en clôture du festival lundi 23 mai, d'un bal littéraire. Tout un programme !

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